samedi 28 juin 2014

'Education européenne', de Romain Gary : proximité d'Albert Camus



Dans un article publié le 16 mai 2014 dans Libération, Frédéric Worms souligne la signification pour notre temps d' Education européenne, le roman de Romain Gary écrit en 1943 et publié en 1945. Il mentionne sa proximité, par certains côtés, du Mythe de Sysiphe, qu'Albert Camus publie en 1942 : "moment de la guerre, de l' 'absurde', mais aussi de la résistance". Et l'auteur de poser la question : "Quelle éducation européenne, aujourd'huui ?" En tension entre les souvenirs d'un passé traumatisant et un avenir qu'incarne Bruxelles comme institution, il faut remettre sur ces enjeux des visages. Grâce aux livres (et la culture, plus largement), mais aussi aux journaux, et précisément à l'éducation.
"Chacun se sentira lié à l’Europe, conclut Frédéric Worms, s’il a en tête des visages et des voix (contre les fascinations) ; et un soutien réel dans son parcours, ouvrant sur le travail et la vie sociale en général (et civique). Nos souvenirs, nos avenirs. On critique le soin, l’éducation, comme s’ils contredisaient la politique et ses luttes. Mais ils en sont la condition. Europe des humanités et des campus, ou plus simplement de Kertész et d’Erasmus."
* * *
Nul doute que s'il en avait eu le loisir, Frédéric Worms eût développé davantage encore les réflexions qui peuvent naître de la lecture d' Education européenne, de Romain Gary. Et d'abord celle-ci, que ce livre n'est pas seulement un excellent spécimen de la littérature de résistance qui fleurit dans les années 1940, mais qu'il est aussi un roman qu'on n'hésite pas à qualifier de philosophique, dans la mesure où l'on peut dire que La Peste, de Camus, justement, qui paraîtra en 1947, ou sa pièce de théâtre Les Justes (1949), sont des ouvrages de littérature à dimension philosophique.

Roman sur la fraternité des armes, certes, dans le creuset de la résistance, que celui de Gary, au-delà des origines nationales ou religieuses, mais interrogation également sur l'ambivalence du héros et du lâche, sur la violence subie et la violence exercée, sur le rôle du mythe pour l'élévation des consciences, sur l'impossibilité de fait du ralliement lorsque le conflit est installé....

On y trouve aussi, parmi bien d'autres thèmes, une claire distinction entre nationalisme et patriotisme, distinction qui pourrait encore nous inspirer aujourd'hui, dans le contexte des extrêmes-droites anti-européennes :
"Le patriotisme, c'est l'amour des siens. Le nationalisme, c'est la haine des autres." (p.246) 
Et, bien sûr, un vaste aperçu de l'horizon culturel et politique européen à même de faire reculer la violence et l'injustice...

Grande et belle réflexion sur le livre, enfin, dans Education européenne, et qu'il faut souligner :
"On peut me dire tant qu'on voudra [dit Dobransky] que la liberté, la dignité, l'honneur d'être un homme [...] c'est simplement un conte de nourrice, un conte de fées pour lequel on se fait tuer. La vérité,c'est qu'il y a des moments dans l'histoire, des moments comme celui que nous vivons, où tout ce qui empêche l'homme de désespérer, tout ce qui lui permet de croire et de continuer à vivre, a besoin d'une cachette, d'un refuge. Ce refuge, parfois, c'est seulement une chanson, un poème, une musique, un livre." (p.76)
A tel point que ce n'est plus le héros seulement qui semble parler, l'auteur d'un livre en gestation intitulé justement Education européenne, mais l'auteur précisément du roman de même titre que nous avons entre les mains :
"Je voudrais que mon livre soit un de ces refuges, qu'en l'ouvrant, après la guerre, quand tout sera fini, les hommes retrouvent leur bien intact, qu'ils sachent qu'on a pu nous forcer à vivre comme des bêtes, mais qu'on n'a pas pu nous forcer à désespérer." (p.47)
A quoi fait écho, deux chapitres plus loin, un dialogue emblématique entre les jeunes résistants Janek et Zosia : 
"- Tu sais, Dobransky écrit un livre. - Il te l'a montré ? - Oui. - Que dit-il dans ce livre ? Janeck hésita. Puis il la serra contre lui, et dit tristement : - Que nous ne sommes pas seuls, dit-il." (p.103)
Il est temps de relire Education européenne, de Romain Gary.

* * *
  • Le texte de l'article de Frédéric Worms sur Education européenne : Lien
  • Tous les article de Frédéric Worms publiés dans Libération : Lien
  • Sur ces affinités de Romain Gary avec Jean-Paul Sartre et Albert Camus, voir dans la revue Europe N° 1022-1023 / Juin-Juillet 2014 sur ROMAIN GARY, un article de M. Decout, "L'existentialisme dissident de Romain Gary".

jeudi 26 juin 2014

Jack Bratich : Comment lit-on Michel Foucault aux Etats-Unis ?



Jack Z. Bratich , enseignant à la State University of New Jersey indique (Libération du 21-22 juin 2014) dans l'oeuvre de Michel Foucault deux domaines qui intéressent particulièrement  les Cultural Studies, aux Etats Unis :
  • "Son travail sur la normalisation et le caractère contingent de l'identité sexuelle a été une percée importante pour ceux qui voulaient bousculer les catégories qui déterminaient leur subjectivité.
  • "L'Histoire de la sexualité, mais aussi Surveiller et punir, ont fourni de nouvelles manières de penser les relations de pouvoir sans passer par le marxisme orthodoxe ou le droit politique libéral. Les relations de pouvoir étaient désormais compréhensibles en dehors à la fois des problématiques de l'Etat et du mode de production."
Jack Bratich ajoute qu'une résistance à la pensée de Foucault se manifeste, chaque fois que l'on préfèrerait éviter l'étude des relations de pouvoir. Mais, souligne-t-il, "là où il y a étude des relations de pouvoir, il y a influence de Foucault."

L'absence de nouvelles publications entraîne désormais un intérêt moins événementiel, mais l'attention se resserre sur quelques points clés. Notamment, ses études sur la gouvernementalité et les techniques libérales de subjectivation, biopolitique et sécurité. "Son oeuvre est devenue une clé [pour] la compréhension de ce qu'on a appelé 'libéralisme avancé' ou "néolibéralisme'." Concernant les préoccupations nées des formes les plus récentes de surveillance, "la pensée de Foucault est redevenue un point de départ important."

En somme, pour conclure avec Jack Bratich, "il est vraiment installé dans l'histoire de la pensée".

dimanche 22 juin 2014

Les problèmes métaphysiques à l'épreuve de la politique


Vaste question que celle-là et dont le cours ici proposé a voulu nous entretenir, et nous sensibiliser s'il en était besoin !

S'agissant en effet de la question des problèmes métaphysiques à l'épreuve de la politique, celle-ci s'élargit encore par le fait de nouvelles réflexions d'une part et à de nouvelles violences d'autre part.
  • A juste titre sont évoquées de nouvelles réflexions après celles des philosophes français contemporains étudiés dans ce cours ( Sartre, Foucault, Levinas, Derrida, Deleuze, Jankélévitch, Merleau-Ponty  mais aussi Camus, Simone Weil, Levi Strauss et Canguilhem ): à savoir notamment celles de l'école de Francfort, les analyses sur le totalitarisme de Hannah Arendt, les penseurs de la dissidence et les autres philosophes cités (tels que John Rawls, Michael Walzer, Donald Dworkin ) dont il a fallu attendre la traduction pour les appréhender, avec le retard que cela implique.
  • Mais aussi avec l'apparition de nouvelles tragédies comme celles rappelées ici telles que celles qui sont survenues au Chili, au Rwanda, au Cambodge, mais la liste en serait longue.
Confrontation à la violence, aux guerres et aux forces idéologiques, religieuses ou politiques qui accaparent le sens du monde à leur profit, alors que la philosophie doit signifier son refus de confiscation du sens du monde : voilà, schématiquement résumées, les réponses provisoires que Frédéric Worms et Marc Crépon ont voulu nous transmettre.

Comment en effet ne pas s'interroger sur un devoir de souci du monde, de justice et de liberté, face à la force de la destruction meurtrière, mortifère, aux inégalités ; comment protéger les vulnérabilités et s'opposer à toutes les formes de violence sans les cautionner ? tel est le terrible défi posé.

Geneviève C.

samedi 21 juin 2014

Beatriz Preciado et l'héritage de Foucault

Interrogée dans Libération du 21-22/06/2014 par C.Daumas sur les "principes qui [l']
ont le plus marquée" chez Michel Foucault, la philosophe espagnole Beatriz Preciado précise :
"Ce sont les analyses des rapports entre processus de subjectivation, technologies de gouvernement et appareils de vérification, qui me semblent être d'une puissance inouïe."
Le droit fil de ce que disait Michel Foucault lui-même dans son dernier entretien, en mai 1984 (même numéro) :
"Il me semble que j'ai essayé de repérer trois grands types de problèmes : de la vérité, du pouvoir et de la conduite individuelle."
Si on lui demande en revanche "quelles seraient [à ses yeux] les impasses de Foucault", Beatriz Preciado cite l'oubli du projet colonial et l'ignorance du fait féministe. "Il a "oublié dans sa généalogie politique de la modernité la centralité du projet colonial, à partir du XVe siècle", regrette-t-elle. "D'autre part, et bien qu'il ait été contemporain des mouvements féminsites, il a été incapable d'étudier l'importance économico-politique de l' "invention" du corps féminin dans le projet bio-politique de la modernité."

Ce sont deux points importants, convenons-en...
A moins que, mort à 58 ans, le temps ait quelque peu manqué à Michel Foucault pour amorcer de nouveaux types de recherche? Qui sait où dix années de plus l'auraient mené ?

__________________________________
  • Court portrait de Beatriz Preciado (30 min, espagnol) sur RTVE : Lien
  • Les articles de Beatriz Preciado publiés dans Libération : Lien
  • "Féminisme amnésique", un article de Beatriz Preciado publié dans Libération : Lien
  • Fiche professionnelle dans de domaine Recherche en danse de Paris 8 : Lien
  • Beatriz Preciado expliquant le mouvement "queer", où elle se situe, à propos de son livre Testo Junkie : Lien

vendredi 20 juin 2014

Emmanuel Levinas lecteur de Franz Rosenzweig

Regardons de plus près la façon dont Emmanuel Levinas , sous le signe de Franz Rosenzweig et de quelques autres,entre dans Totalité et infini

Levinas lit Rosenzweig, bien sûr, dans l'allemand (l'édition originale est de 1921) ; et le premier éditeur, hollandais, de Totalité et infini, Martinus Nijhoff, rééditera L'Etoile de la rédemption quelques années plus tard... Voici comment j'essaie, pour ma part, de m'orienter.

  • "On conviendra aisément qu'il importe au plus haut point de savoir si l'on n'est pas  dupe de la morale." Cet première phrase de la préface originelle d'Emmanuel Levinas à Totalité infini me semble extraordinaire. Elle sonne à l'oreille, curieusement, comme une conversation qui se serait engagée avec Albert Camus, et plus précisément en écho à la première phrase de l'Introduction de Camus au Mythe de Sisyphe. La seconde phrase constitue d'ailleurs un pont menant de la "lucidité", thème éminemment camusien, à la guerre...
  • Plus loin, il ne serait pas impossible non plus d'apercevoir une référence à L'Homme révolté, paru en 1951, soit 20 ans plus tôt - suivie d'une allusion à Etre et Temps, de Martin Heidegger. On lit :  
"La conscience morale ne peut supporter le regard railleur du politique que si la certitude de la paix domine l'évidence de la guerre. Un telle certitude ne s'obtient pas par simple jeu d'antithèses. La paix des empires sortis de la guerre repose sur la guerre. Elle ne rend pas aux êtres aliénés leur identité perdue. Il y faut une relation originelle et originale avec l'être." (p.6)
  • Levinas éclaire alors sa démarche par une référence à Kant (Projet de paix perpétuelle) :
"Historiquement, la morale s'opposera à la politique et aura dépassé les fonctions de la prudence ou les canons du beau, pour se prétendre inconditionnelle et universelle, lorsque l'eschatologie de la paix messianique viendra se superposer à l'ontologie de la guerre."
  • Ici, avec une allusion implicite à Martin Buber (La Foi des prophètes, alld 1950), André Neher (Amos, 1950 ; L'Essence du prophétisme, 1972) et probablement quelques autres, Levinas entre en discussion avec Rosenzweig
"Toutefois, l'extraordinaire  phénomène de l'eschatologie prophétique  ne tient certainement pas à gagner son droit de cité dans la pensée, en s'assimilant à une évidence philosophique. [...] Elle n'introduit pas un système téléologique dans la totalité elle ne consiste pas à enseigner l'orientation de l'histoire. L'eschatologie met en relation avec l'être, par-delà la totalité ou l'histoire [...] Comme si un autre concept - le concept de l'infini - devait exprimer cette transcendance par rapport à la totalité, non-englobable dans une totalité  et aussi origienlle que la totalité."... (p.7)
Mettant la notion d' "infini" en balance avec celle de "totalité", on entre clairement avec Levinas au coeur du propos de Totalité et infini. Et par des voies, certes, qui vont éveiller le sens critique de Jacques Derrida, donc la lecture donnera lieu à Violence et métaphysique...

Michel Foucault, de la biopolitique à la gouvernementalité libérale

Les Archives Michel Foucault (IMEC) proposent le cours de Michel Foucault au Collège de France de janvier à avril 1979, sous le titre Naissance de la biopolitique, en 22 enregistrements écoutables en ligne : Lien . Extrait de la présentation : 
« Après avoir montré comment l’économie politique, au XVIIIe siècle, marque la naissance d’une nouvelle raison gouvernementale, Michel Foucault entreprend l’analyse des formes de cette « gouvernementalité » libérale. Il s’agit de décrire la rationalité politique à l’intérieur de laquelle ont été posés les problèmes spécifiques de la vie et de la population : « Étudier le libéralisme comme cadre général de la biopolitique ».
Ce cours reprend la genèse du « pouvoir sur la vie » dans l’émergence duquel, au XVIIIe siècle, Foucault voyait une « mutation capitale, l’une des plus importantes sans doute, dans l’histoire des sociétés humaines ».

Pour autant, l’analyse des conditions de formation de la biopolitique, s’efface-t-elle au profit de celle de la gouvernementalité libérale "...

Ce cours a été publié par Le Seuil, en 2004, sous le titre Sécurité, territoires, populations

"Gouvernementalité", un concept pressenti par les Lumières ?

Les prémices du glissement entre souveraineté et gouvernementalité ne se lisent-elles pas ainsi qu’on peut le voir historiquement entre Jean Bodin et Cesare Beccaria ?
En effet, de Jean Bodin à la Renaissance [1] à Cesare Beccaria  au XVIIIe s. il y a amorcé à première analyse ce passage de la souveraineté à la gouvernementalité. Pour Bodin (Les six livres de la République,  I, 10, p.309)-, le souverain se distingue entre autre chose par « la puissance de donner loy à tous en general, et à chacun en particulier […] sans le consentement de plus grand, ni de pareil, ni de moindre que soy » (sic, p.306).Chez Beccaria [2] (chapitre 3, Conséquences), quelle que soit l’origine de la loi, qu’elle émane du souverain et/ou d’une quelconque assemblée légiférante, tous doivent s’y soumettre à tous les échelons de la société, «chaîne, qui descend du trône jusqu'à la cabane » (ibid.) et notamment les magistrats qui ne doivent qu’appliquer la loi sans l’interpréter aucunement ; en effet, « les juges criminels ont donc d'autant moins le droit d'interpréter les lois pénales qu'ils ne sont point eux-mêmes législateurs » (ibid. chap. 4, De l’interprétation des lois. Beccaria est lecteur de Montesquieu) ajoutant plus loin : « Rien de plus dangereux que cet axiome reçu - Il faut consulter l'esprit de la loi. » (ibid.) ce qui est pour le juriste la voie à tous les errements de la subjectivité.                          

On pourrait conclure de cet aperçu à
un glissement d’un souverain de plein pouvoir chez Bodin à une souveraineté mise au rang par la loi qu’elle a ou non édictée chez Beccaria (passage de l’édit à la loi d’émanation parlementaire, ce qui équivaudrait dans notre république, toute proportion gardée, au projet de loi d’une part et à la proposition de loi d’autre part, hors considération des prérogatives propres au chef de l’Etat dans la constitution de la Ve République.)

PERMI4

[1] Souveraineté, droit et gouvernementalité. A partir des Six Livres de la République de Jean Bodin (Fayard, Corpus des œuvres de philosophie de langue française, 6 vol, 1986) de Thomas Berns, Chargé de recherches au FNRS, Centre de Philosophie du Droit de l’Université Libre de Bruxelles Voir en ligne : Lien

[2]
Traité des délits et des peines, 1764 (traduit peu après en français ; en libre consultation sur Gallica et autres sites, outre les éditions papier)

Autorité, gouvernementalité, et 'Surveiller et punir', de Michel Foucault

Je ne sais si je suis là dans le droit fil du concept foucaldien. Je ne suis ni philosophe ni historien.

 Il me semble cependant que le glissement de l'absolutisme au régime parlementaire, quelle que soit sa forme, va de l'assujettissement à l'implication par ne serait-ce que le droit de vote ; et que le plus de liberté formelle consentie au citoyen par rapport au sujet se paye, progressivement, par une défiance des instances étatiques vis à vis de ce même citoyen aux plus grandes prérogatives. Je parle là du citoyen ordinaire, non délinquant au regard de la loi. 


Ce n'est plus aujourd'hui la prison de type panoptique qui seule va enfermer l'individu et le faire surveiller par un nombre restreint de fonctionnaires. C'est également tout un chacun qui se trouve pris dans les filets qu'on a ouverts devant ses pas que sont, non seulement les cartes d’identité à puce mais également et entre autres les téléphones portables (repérage par GPS permettant des frappes par drones, engins manipulés par un anonyme depuis un bureau non situable géographiquement), que sont les réseaux dits "sociaux" et ce qu'il en est fait à grande échelle (Google, RSA, etc.)
 

Je pense que Foucault aurait de nos jours étendu son analyse selon ces évolutions et modifié ce que j'ai compris de Surveiller et punir: on n'en est plus à une volonté culpabilisatrice du seul individu emprisonné ni à une simple surveillance policière de délinquants ou des foyers de délinquance mais au stade où tout citoyen est présupposé coupable (avant d’être présumé tel) et que c'est à ce titre que tous sont fichés, ce qui est présenté comme censé garantir la sécurité de vous et moi. 

  Réactions en retour de personnes à qui on explique ce système de surveillance absolue : Que m'importe si je n'ai rien à me reprocher ? -- Comme si croire encore de nos jours qu'on est soi-même l’unique juge de ses propres actions, de l'adéquation de notre personne aux critères socialement admis, et qu’on est pleinement assuré de nos droits et du premier, la liberté... On a vu dans le passé le retournement de l’histoire contre telle ou telle partie de la population, quelle qu’ait été son état d’intégration. Certain parti de nos jours travaille à stigmatiser les uns ou les autres en entrainant derrière lui une modification des mentalités. Là se fait, via les média, la modification des esprits.


PERMI4

* * *
  • Gouvernementalité : une définition succincte sur Wikipedia : Lien
  • Vidéo de 4 mn, un document INA : Michel Foucault à Louvain, en 1988, expliquant ce qu'il entend par gouvernementalité Lien
  • Dans l'excellente revue Le Portique, un article de Pierre Lascoumes, "La gouvernementalité :de la critique de l'Etat aux technologies du pouvoir" (2004). Lien . En voici le résumé :
"Michel Foucault a eu un rôle majeur dans le déplacement des théorisations de l’État en s’écartant des débats sur sa nature et sa légitimité et en privilégiant la réflexion sur ses pratiques. C’est ce qu’il nomme la gouvernementalité qui est un mode spécifique d’exercice du pouvoir. L’article retrace les origines de cette approche et les dimensions qu’elle conduit à investiguer ; il situe cette notion par rapport au mode d’analyse du pouvoir chez cet auteur."
"Une application est donnée avec l’analyse de ce que Foucault nomme «l’instrumentation » ; c’est le choix et les effets des techniques d’action publique comme la statistique ou la planification. Elle montre les effets propres aux instruments indépendamment des intentions initiales, mais aussi les rapports politiques qu’ils induisent."

dimanche 15 juin 2014

Platonisme et christianisme, chez Alain et chez Simone Weil

Platon: Alain  

 Il faut lire le dernier des Onze chapitres sur Platon, publiés d'abord en 1928 et recueillis ensuite dans Idées, pour saisir l'équilibre subtil où Alain tient ensemble platonisme et christianisme. Apercevant ainsi comment la pensée de Simone Weil, qui à 19 ans intègre cette année-là l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, ayant reçu les leçons d'Alain, a pu être mise sur la voie de son propre équilibre. 

Ce chapitre contient une méditation du mythe d'Er le Pamphylien, qui termine la République. Laissé pour mort sur le champ de bataille, Er revient a la vie pour rendre compte de ce qu'il a vu dans l'Hadès, afin d'avertir les humains. "Ce qu'il a vu ? Le spectacle d'abord de la nécessité", note Alain; "mais surtout un jugement étrange, et qui commence par une grande voix qui dit : 'Dieu est innocent' ". C'est à l'homme de choisir sa vie, et de la choisir bien : tout le reste en découle.

"Par la vertu de ce conte, nos pensées sont debout", enchaîne Alain, égrenant quelques remarques. D'abord, "nos choix sont toujours derrière nous [...]" et c'est après coup que nous tentons d'en rendre compte, accusant au besoin le destin. "Et il est vrai que nous avons vécu des milliers de vies, et fait des milliers de choix, dont à peine nous sentons derrière nous la présence et ensemble l'absence, et l'inexplicable poids." Ce qui nous retiendra d'être balloté de contrariété en contrariété, ensuite, c'est savoir l'antériorité du choix. Mais comment y parvenir ? "A bien regarder, formule Alain, il dépend de nous de rassembler ces apparences du temps en une pensée hors du temps, ce qui est penser. Chaque moment est notre tout, et chaque moment suffit."

De la manière la plus inattendue,et néanmoins longuement préparée, on s'en rend compte, c'est la connivence de la pensée et de l'éternité qui fournit à Alain l'occasion de joindre le christianisme.
"Nos innombrables vies sont éternellement à nous. Cette grande idée a été développée par la révolution chrétienne, et cent fois reprise, jusqu'au mot de Spinoza l'immobile : 'Nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels'."
Et de développer l'erreur du dualisme :
"Mais toujours nous voulons chercher l'éternel ailleurs qu'ici ; [...] ou bien nous attendons de mourir, comme si tout instant n'était pas mourir et revivre. A chaque instant une vie neuve nous est offerte. Aujourd'hui, maintenant, tout de suite, c'est notre seule prise.[...] Mais notre faute est d'essayer encore une fois la même vieille ruse, en espérant que Dieu changera."
La conclusion est évidemment du meilleur Alain :
"Que toi, lecteur, et moi, nous soyons dignes de Platon au moins un beau moment. Car cette présence de l'éternel et j'ose dire cette familiarité avec l'éternel, enfin cet autre monde qui est ce monde, et cette autre vie qui est cette vie, c'est proprement Platon. Et ce sentiment, que j'ai voulu réveiller, qui est comme un céleste amour des choses terrestres, ne sonne en aucun autre comme en lui."
C'est à la lecture du Timée, semble-t-il, tout autant que de la République, que Simone Weil devra de son côté son attachement à Platon.

* * *

Le mythe d'Er, traduit par B.Suzanne : lien.
Une réflexion sur les significations possibles du mythe d'Er, par M.-D.-N. Ruffo : lien.
Un site dédié à Alain : lien.
Un article d'A. Castel-Bouchouchi, "Le platonisme achevé de Simone Weil" : lien.

samedi 7 juin 2014

Avec Nadia Yala Kisudiki, vers une critique de l'universalisme dans la perspective post-coloniale



Kisukidi  Sous le titre "Universalisme(s) : reprises, critiques et généalogie d'un discours", Nadia Yala Kisudiki dirige un programme de recherches au Collège internationnal de Philosophie. Lien
"Les études postcoloniales, expose-t-elle, ont développé une certaine critique de l’humanisme et de l’universalisme hérités des Lumières et des « effets d’aveuglement et de cruauté »(1) qu’ils ont pu induire en situation coloniale. Cet universalisme, en tant qu’il affirme l’existence de traits irréductibles de la vie humaine au-delà des effets produits par les conditionnements locaux et culturels et qu’il soutient, par suite, une certaine théorie des valeurs, apparaît certes incapable de reconnaître la différence culturelle, mais semble surtout soutenir les stratégies d’un discours impérial, promouvant une idéologie du progrès et de l’avancement masquant la domination des peuples colonisés. 

"Le discours universaliste pris dans ce qu’Achille Mbembe appelle la « prose coloniale », c’est-à-dire « le montage mental, les représentations et formes symboliques ayant servi d’infrastructures au projet impérial »(2) , peut ainsi être interprété comme un discours de la duplicité.[...]

"Le discours de l’universalisme, en disqualifiant les exigences émancipatrices qu’il présente comme lui étant propres, semble appartenir au registre de la fabulation et ne peut constituer, sérieusement, une proposition claire et effective en vue de la constitution d’une politique du vivre-en-commun, travaillée par une réflexion critique sur les expériences de violence et de négation ontologique et axiologique, en situation coloniale, post-coloniale, voire néocoloniale. Il semble ainsi saper les possibilités concrètes d’une cosmopolitique, en soutenant une logique de l’assignation à une identité (celle d’une race, d’une couleur, d’un genre…) soubassement de l’alternative discriminante eux/nous.
"
 Ceci étant posé, quel discours éthique et politique serait désormais à même de "disqualifier des stratégies de récusation de l'humain", sinon en cherchant du côté d'un nouveau concept de l'universel ?

L'auteur poursuit :
L’enjeu de ce projet consistera ainsi à tester la pertinence d’une reprise de la question de l’universalité selon quatre axes : 

1/ historique : établir la généalogie critique du discours de l’ universalisme


2/ éthique : se demander dans quelle mesure le recours au concept d’universel s’avère nécessaire et opérant pour démonter les stratégies de récusation de l’humain, soutenues par des processus imaginaires et rationnels d’altérisation et de fictionnalisation d’un absolu de la différence.


3/ politique/cosmopolitique : interroger les conditions à partir desquelles quelque chose comme un monde partagé, sapant toute « géographie du deuil  et de la souffrance » (Crépon), est  pensable. 


4/ disciplinaire : s’attacher aux productions de l’
africana philosophy - notamment aux œuvres de Senghor, Boulaga et Ela - ayant précisément pour objet la reprise d’une pensée politique centrée sur le concept d’universel, intégrant à la fois la critique théorique de l’universalisme et les expériences de cruauté et de violence propres à l’Afrique coloniale et postcoloniale.
Le questionnement est délicat. Il s'agit de "savoir si un universalisme concret et non plus abstrait apparaît concevable en sa vérité, ou si le fait même d’envisager une telle reprise ne souligne pas, plutôt, la persistance hégémonique d’un discours de l’universalisme usé dont il faudrait définitivement se défaire."

(1) (2) Achille Mbembe, « Qu’est-ce que la pensée postcoloniale ? », in Esprit, Décembre 2006,  n° 12, p. 118. Cet entretien peut être lu ici : Lien

 * * *
Sur Achille Mbembe : Lien

Sur Fabien Elboussi Boulaga : Lien

Sur la philosophie africaine, un numéro spécial de Rue Descartes, 2002, avec notamment l'article : "La décolonisation de l'Afrique vue par Les Temps modernes (1945-1952)", de Katharina Städtler : Lien

vendredi 6 juin 2014

La Conférence de Heidelberg (1988) : Heidegger, portée philosophique et politique de sa pensée :


Sous ce titre, se trouvent publiées (Lignes, 2014) les interventions de Jacques Derrida, Hans-Georg Gadamer et Philippe Lacoue-Labarthe, il y a un quart de siècle, dans l'amphithéâtre même où, en 1933, Heidegger prononça son fameux discours sur L'Université dans le nouveau Reich.

Jacques Derrida y insiste notamment sur le fait que le silence quasi complet de Heidegger sur l'extermination de masse, de par son apparence énigmatique, reste plus important pour la pensée que toute excuse qu'il eût plus tard esquissée, et qui n'aurait fait que masquer l'énormité de la chose. Plus important pour la pensée, car la question est plus originelle que la réponse. Mais pas seulement : car la question elle-même n'est pas originelle, elle est elle-même réponse à quelque chose de plus originel. Réponse à qui, à quoi ? peut-être à ce "oui" conceptualisé par Rosenzweig, oui proféré par rien ni par personne, et coïncidant avec l'exister lui-même.

Important politiquement, également. Parce que ce qui est en jeu, souligne Derrida, n'est autre que la responsabilité : avoir à répondre. Refuser de lire et d'enseigner Heidegger, au motif de sa compromission inexcusable avec l'hitlérisme et de son refus de prononcer après coup le nom d'Auschwitz, serait une erreur majeure, dressant un fait brut contre un fait brut, et soustrayant à la pensée l'urgence et la permanence de la question. Si la question doit rester ouverte - et si précisément le débat entre les trois philosophes n'aboutit à aucune conciliation - c'est parce que la pensée doit supporter l'épreuve de l'indécidable, en-deçà de laquelle le centre (le sens ?) du discours ne peut être aperçu. Agir, c'est avoir traversé (mais non supprimé) l'indécidable.

Le volume, présenté par Mireille Calle-Gruber, rassemble, outre donc les interventions revues par les trois philosophes, différentes questions et interventions, et plusieurs comptes-rendus contemporains, instructifs, parus dans la presse allemande. En outre, dans une brève mais important note liminaire évaluant l'actualité de ces textes en 2014, Jean-Luc Nancy met en place de précieux repères. Par exemple, il note la remarque restée inexploitée de Gadamer, disant que parler de "l'être" avec l'article "est déjà une falsification" : "être" sans article n'aurait pas mené Heidegger aussi loin dans la tentative d'élucidation d'un "oubli" où il voyait l'Occident censément dénaturé par le fait "juif" (ou devant être rendu à la pureté grecque, ce qui est dire la même chose autrement). La signification de l'Occident, ajoute-t-il, "n'a peut-être rien à voir avec une destinalité engagée par les seuls Grecs, mais tout à voir avec une histoire autre, intégrant des événements romains, judéo-chrétiens et "modernes", en un sens que Heidegger ne fut peu-être jamais vraiment capable d'appréhender."

Et Jean-Luc Nancy de conclure, de façon très derridienne : "Quel que soit le temps écoulé [depuis la conférence de 1988], une chose reste certaine et ne fait que se confirmer : il n'y a de sens à juger Heidegger qu'à la condition de juger avec lui nous-mêmes et notre histoire."

  • Présentation du livre, 4e de couverture et table, sur le site de Lignes : Lien

jeudi 5 juin 2014

Sartre et le marxisme

 Sur le site "Marx au XXIe siècle", une dizaine d'articles sur Sartre et le marxisme : Lien
  1. Emmanuel Barot, recension de Sartre avant la phénoménologie. Autour de « La nausée » et de la « Légende de la vérité »   
  2. Ian H. Birchall, "Sartre et le marxisme"   
  3. Norbert Lenoir, "Marx et Sartre : être sujet ou acteur de l’histoire. Réflexions sur le peuple manquant"   
  4. Pierre-Ulysse Barranque, "Penser la lutte, penser l’émancipation : Sartre et la question basque en 1971"    
  5. Juliette Simont, "L’être-de-classe dans l’œuvre de Sartre"    
  6. Emmanuel Barot,| "Sartre, Marcuse, et la stratégie dialectique (ou la philosophie sociale au prisme du marxisme)"    
  7. Emmanuel Barot, "Sartre : de la réification à la révolution"   
  8. Nicolas Tertulian, "L'intelligibilité de l'histoire"   
  9. André Tosel, "L'existentialisme de Sartre et « Les Temps modernes »   
  10. Emmanuel Barot, "1789 ou les fictions contradictoires de l’universel : Autour du manuscrit « Mai-juin 1789 » de 1950, de Sartre, sur la naissance de l’Assemblée Nationale".

Louis Althusser, une rapide sitographie

http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Pour_Marx-9782707147141.html
  • Pour approcher Louis Althusser, et notamment son livre Pour Marx (1965) : Lien
  • Sur le site de France-Culture : Lien
"Ce recueil d'articles [Pour Marx], publié pour la première fois en 1965 aux Editions François Maspero, a connu un succès exceptionnel pour un ouvrage théorique : quinze tirages (soit 45 000 exemplaires) et de très nombreuses traductions. Comme le notait Elisabeth Badinter dans Combat du 25 avril 1974 : "Les étudiants et les intellectuels marxistes découvrirent Althusser et à travers lui, sinon un nouveau Marx, du moins une nouvelle façon de le lire. Depuis la Critique de la raison dialectique de Sartre, Althusser est le seul philosophe à proposer une interprétation vraiment originale des oeuvres de Marx. " Depuis les années 1960, les études marxistes n'ont pu ignorer cette approche qui établissait une "coupure épistémologique" dans l'oeuvre marxienne, séparant les textes idéologiques du jeune Marx de ceux plus scientifiques du Marx de la maturité. Elle offrait aussi une autre évaluation de l'apport de Hegel à Marx et n'hésitait pas à s'inspirer des réflexions philosophiques de Mao Zedong pour nourrir sa propre philosophie. Rares sont les livres ayant suscité autant de passions théoriques et provoqué autant de débats. "Comment expliquer une telle influence? D'abord, évidemment, par la nouveauté qui caractérise, dans les années 1960-1965, sa lecture de Marx. Lecture "symptomale ", au sens freudien du terme, c'est-à-dire attentive au non-dit tout autant qu'au discours explicite... Il s'agit d'en finir avec la version humaniste, bavarde et idéologique du marxisme vulgaire et de donner le jour à une véritable pratique révolutionnaire, fondée sur un savoir rigoureux. " Le Monde
14.07.2011 - Hors-champs | 10-11 - Figures de Louis Althusser (4/5) 45 minutes - « Hors champs » rend compte pendant une semaine de la figure intellectuelle que fut Louis Althusser et de son cheminement intérieur à travers des archives, des lectures et des témoignages. Louis Althusser, né en 1918 en Algérie, a été l’une des plus grandes figures intellectuelles de ce siècle, à travers sa relecture du marxisme, sa prise en charge de la psychanalyse ...

12.07.2011 - Hors-champs | 10-11 - Figures de Louis Althusser (2/5) 45 minutes Écouter l'émission.     Laure Adler reçoit Jean-Pierre Lefebvre.
  • Louis Althusser, "Avertissement aux lecteurs du Livre I du Capital": Lien
  • Isaberlle Garo, "Louis Althusser, l'idéologie entre philosophie et politique", un article de 2007 : Lien
  • D'Ernest Mandel, "Althusser corrige Marx", à propos de la préface au Capital : Lien
  • "Lire Althusser" (1968), par Jean-Pierre Derriennic : Lien
  • Paul Sereni, une conférence de 2013 sur l'impact du Pour Marx, d'Althusser : Lien
A la même adresse, six autres interventions au colloque "Penser Althusser"

mercredi 4 juin 2014

Claude Lévi-Strauss et les recherches de son temps


 
Mythe et métaphysique, deGeorges Gusdorf, date de 1953. Le but de l'auteur, dans cet ouvrage, est de critiquer "la loi des trois états, définie par Comte, en vertu de laquelle l'humanité passerait d'une manière continue de l'âge théologique à l'âge métaphysique, puis à l'âge positif. Cette philosophie de l'esprit devait se retrouver", selon l'auteur, "chez Lévy-Brühl, dans la majeure partie de son oeuvre publiée, et chez Léon Brunschwicg, dans la doctrine des Ages de l'intelligence."

Rapporté à la chronologie des publications de Claude Lévi-Strauss, cet ouvrage de Gusdorf prend donc place entre Race et histoire (1952) et Tristes tropiques (1955).

* * *
 
Léon Brunschwicg, dans Les âges de l'intelligence (1934), paraît en
réalité développer une perspective plus ouverte que ce que laisse entendre Georges Gusdorf. Lien

Dans cet ouvrage, s'appuyant sur la conception begsonnienne de la durée, Brunschwicg entreprend de contredire directement Auguste Comte, à qui il reproche de voir le monde comme le voit un enfant. Un passage de cet ouvrage, que je cite ici, paraît proposer à Claude Lévi-Strauss comme une première approche de ce qui sera son cadre de pensée :
"La première démarche qui oriente vers l’état positif cette branche de l’anthropologie [préhistoire et ethnographie] consiste à vider de sa compréhension originelle le concept du primitif. Il ne sera plus question de « rationaliser » la genèse de l’intelligence en imaginant le point de départ d’après ce qui est pour nous le point d’arrivée, d’après notre conception actuelle de l’univers, et en traçant de l’un à l’autre la ligne la plus droite possible. La pensée du non-civilisé, comme la pensée de l’enfant, doit être envisagée, non en fonction de la nôtre, mais pour elle-même dans son comportement intrinsèque ; c’est-à-dire que la mentalité primitive désignera uniquement le champ au delà duquel nos moyens d’investigation ne nous permettent pas de pénétrer." (p.19)
Brunschwicg a été le professeur de philosophie de Claude Lévi-Strauss à la Sorbonne en 1927. Son livre paraît l'année précédant le départ pour le Brésil de Lévi-Strauss (1935), voyage qui va donner lieu à ses premières enquêtes  ethnographiques.

On me fait remarquer que la notion de "non-civilisé" marque encore, dans ce texte de Brunschwicg, une pensée captive du préjugé colonial. C'est vrai : malgré les avancées de son illustre professeur, il reviendra à Claude Lévi-Strauss d'opérer le renversement.

Jean-François Lyotard, une rapide sitographie

  • Fiche bio-biblio et présentations de trois ouvrages sur le site des Editions de Minuit :
    Economie libidinale,
    La condition post-moderne,
    Le différend
    : Lien
  • Analyse de *Discours, figure par M.Mazkarius : Lien


Levinas, introducteur en France de Husserl et de Heidegger

Levinas, une introduction à Husserl : Lien

Du même, une introduction à Heidegger : Lien

Walter Benjamin et sa 'Critique de la violence'

http://www.payot-rivages.net/livre_Critique-de-la-violence-Walter-Benjamin_ean13_9782228907415.html


Walter Benjamin publie "Critique de la violence" en 1921. Le propos de cet article est de revenir sur les Réflexions sur la violence (1908) de Georges Sorel, qui fournissaient des éléments pour penser la grève ouvrière, considérée comme violence sociale. Mais ce faisant, il élargit l'enquête critique aux rapports de la violence et du droit, et tente de définir la situation éthique et métaphysique du problème.

Se pourrait-il que ce texte de Benjamin puisse nous aider à comprendre certains aspects de la pensée de Simone Weil et d'Albert Camus ? Je pense à son détour critique par le mythe et la notion de "destin" dans la tragédie, qui semble entrer en résonance avec eux.

                                                         * * *

Un billet remarquable de Daniel Bensaïd à propos de ce texte : Lien
Une étude fouillée par C.Kambas de la lecture de Georges Sorel par Walter Benjamin : Lien
Sur l'oeuvre de Benjamin publiée en français : Lien
Le texte de l'article en anglais : Lien
Un article de Signe Larsen en anglais : Lien

Frédéric Worms, Levinas et la philosophie du XXe siècle, une introduction

Levinas et la philosophie du XXe siècle en France :
l’existence, la différence, l’éthique.
Colloque "Un siècle avec Levinas" :
Levinas et la philosophie du XXe siècle en France (ENS, 2006) Lien
"L'objet du colloque est de prendre la mesure à la fois de la singularité d’Emmanuel Levinas au sein de la philosophie du XXe siècle en France, et de la forte et profonde relation qui le lie aux différents moments de celle-ci, caractérisés par des problèmes, des courants et des auteurs. Ce coloque s'organise selon un plan chronologique en quatre étapes :
  •     "L’entrée de Levinas en France, ses premiers écrits. Ce que Levinas a pris de la génération immédiatement antérieure (Henri Bergson, Léon Brunschvicg, etc.). L’introduction décisive de la phénoménologie, Levinas à Strasbourg, la montée du nazisme, les premiers textes politiques dans les années 1930.
  •    "Le moment de la Seconde Guerre mondiale. Les premiers livres (Le Temps et l’autre, De l’existence à l’existant), le lien avec Jean-Paul Sartre, Maurice Merleau-Ponty, Jean Wahl, Vladimir Jankélévitch.
  •   "Les années 1960 et l’œuvre de maturité, strictement contemporaine dans sa différence d’une configuration où interviennent notamment Jacques Derrida, Jean-François Lyotard, Gilles Deleuze, Michel Foucault et Paul Ricœur.
  •   "Levinas aujourd’hui, à la fois du point de vue du commentaire qui s’organise et se développe de son œuvre dans tous ses aspects, et du point de vue des inspirations qu’on peut y trouver ou des chemins qu’elle peut suggérer."
"Levinas et la philosophie du XXe siècle en France : l’existence, la différence, l’éthique. L'objet de cet exposé introductif consiste à montrer comment l’idée centrale de la pensée de Levinas explique tout à la fois sa relation et aussi son opposition aux principaux moments de la philosophie du XXe siècle en France, et cela jusqu’à aujourd’hui, c’est-à-dire jusqu’à nous."
* * *

Tout ce colloque de l'ENS tenu en 2006 autour de Levinas se trouve en ligne, prêt à être écouté ou téléchargé - un merveilleux programme de travail ! : Lien


* * *
Ici, le compte-rendu minutieux d'une monographie, parue en 2006 (l'année du colloque) de Jean-Michel Salanskis sur Levinas : Lien

Frédéric Worms, 'La Philosophie en France au XXe siècle, Moments'

 

Pour prolonger et approfondir le cours, je propose qu'on travaille essentiellement, sans s'interdire tous les excursus que l'on souhaitera, à partir et autour du livre de Frédéric Worms déjà signalé, La Philosophie en France au XXe siècle.

Analyse du livre par Thibaud Gressess dans Actu Philosophia : Lien

* * *

Dans le même sens, à signaler que sur lle site de l'ENS, sont disponibles en ligne une quarantaine de conférences et une vingtaine de colloques de Frédéric Worms :Lien

* * *

Sur le site de Cairn, une vingtaine d'articles de Marc Crépon sont disponibles : Lien

Préfaces et introductions sont en téléchargement libre. Notamment, une vue synthétique sur "La Réception de Franz Rosenzweig en France."Parmi les articles proprement dits, certains en rapport étroit avec le cours vaudront bien, sans doute, les 3 ou 4 euros que nous pourrons y mettre ?

Colloque de Philosophie sur Deleuze et Lyotard - Toulouse, 2013

  Lien.


Choplair Productions - 9 vidéos - 7 heures
"Colloque international de philosophie : "Deleuze et Lyotard: deux lignes de fuite pour la philosophie du vingtième siècle" Du 2 au 4 juillet 2013, Toulouse (France). À l'initiative de l'ERRAPHIS et de la Société internationale de Recherche Emmanuel Levinas. Organisation : Flora Bastiani, Corinne Enaudeau, Jean-Michel Salanskis

"L'ambition de confronter et comparer les pensées de Gilles Deleuze et de Jean-François Lyotard s'appuie d'abord sur la proximité et la connivence qui ont lié les deux philosophes. En effet, au début des années 70, lorsqu'ils étaient collègues à Paris VIII (Vincennes), on a repéré en eux les deux porte-paroles d'une "philosophie du désir". Bernard-Henry Lévy les cible et les attaque solidairement lorsqu'il évoque les méfaits d'une telle philosophie, dans La Barbarie à visage humain. Publiés à deux ans et demi d'intervalle, L'Anti-Œdipe et Economie libidinale justifient la connivence puisqu'ils semblaient offrir une conception similaire des procès et métamorphoses emportant le monde.

"Moins connu est un autre fait attestant la proximité de Deleuze et Lyotard : à cette époque, ils ont animé ensemble un séminaire à Vincennes sur le rapport entre science et philosophie, et ce, à la demande de l'illustre mathématicien Claude Chevalley et de Denis Guedj, tous deux alors membres du département de mathématiques de Paris VIII."

'Bergson, Jankélévitch, Levinas', Colloque tenu à Toulouse en 2012

"Bergson, Jankélévitch, Levinas. -- Métaphysique, Morale et Temps", Toulouse, 10-11-12 juillet 2012. Avec une intervention de Frédéric Worms, "La tradition inattendue"
21 vidéos - 14 heures : Lien


"Henri Bergson, Vladimir Jankélévitch, Emmanuel Levinas : ces trois figures majeures de la philosophie du XXe siècle sont liées entre elles par une relation aussi étroite que complexe. Les œuvres de Jankélévitch et de Levinas portent le sceau de l'enseignement bergsonien découvert dès leurs années de jeunesse. En pleine vogue existentialiste, Jankélévitch et Levinas ont continué à voir en Bergson une source majeure d'inspiration.

"L'objet du colloque est de s'interroger sur les relations qu'entretiennent entre elles ces trois philosophies. Proches de Bergson, Levinas et Jankélévitch n'ont jamais été ses disciples. Ils lui ont témoigné cette «véritable fidélité » qui « est toujours infidèle par fidélité » (Jankélévitch). Il s'agira d'envisager la manière dont cette « infidélité par fidélité » se manifeste sur des points cruciaux selon trois axes de réflexion principaux : le renouvellement de la métaphysique, la conception de la temporalité et la morale.

"Intervenants : Flora Bastiani, Giuseppe Bianco, Arnaud Bouaniche, Anne Coignard, Arnaud François, Philippe Grosos, Elisabeth Grimmer, Joëlle Hansel, Andrew Kelley, Mathieu Lefevre, Enrica Lisciani Petrini, Sébastien Miravète, Masumi Nagasaka, Bruno Picot, Jean-François Rey, Camille Riquier, Jean-Michel Salanskis, Johannes Schick, Françoise Schwab, Svetlana Sholokhova, Luc-Thomas Somme, Frédéric Worms. À l'initiative de la Société Internationale de Recherche Emmanuel Levinas (SIREL) et de l'Équipe de Recherche sur les Rationalités Philosophiques et les Savoirs (ERRAPHIS). Organisé par Flora Bastiani et Joëlle Hansel."

Colloque 'Michel Foucault, 1984 - 2014'

  • Colloque Michel Foucault, 1984 - 2014
    A Paris, les 19. 20 et 21 juin 2014 : Lien
  • Le site remarquable Actu Pilosophia : Lien
  • Sur le même site, un article récent de Jean Belloir sur le livre de Garpard Koenig, Leçons sur la philosophie de Gilles Deleuze -- Un système kantien, une politique anarcho-capitaliste" : Lien

'Levinas lecteur de Derrida', par Stéphane Mosès.

Cités 2006/1 


@ Geneviève
Dans la revue Cités, "Levinas lecteur de Derrida", par Stéphane Mosès. Lien

Article riche et éclairant ! Un extrait, pour donner envie d'aller y voir :
"Il y a chez Levinas [dans Noms propres] comme un saisissement devant la radicalité de la révolution introduite par Derrida dans la philosophie occidentale. C’est sans doute pourquoi son texte se termine par une mise en lumière de ce que lui-même et Derrida peuvent avoir en commun : à savoir deux manières différentes de remettre en question la tradition de l’ontologie occidentale. Il y aurait là, de la part de Levinas, comme une façon tardive d’assumer la critique par Derrida, dans « Violence et métaphysique », de la contradiction performative qui déséquilibrerait Totalité et infini. Oui, semble dire Levinas, je continue à parler le langage de l’ontologie au moment même où je la récuse radicalement, de même que Derrida, lui aussi, continue à parler le langage de la présence au moment même où il la déconstruit irrémédiablement. Comme si cette inconséquence (ou plutôt cette oscillation permanente, que Levinas dénommera plus tard clignotement) était le prix inévitable à payer pour pouvoir dire la sortie hors du discours de l’ontologie."
Faut-il souligner combien l'interprétation proposée par Frédéric Worms est ici confortée ?

* * *
Une autre étude sur la conversation développée par Levinas et Derrida, par Paola Marrati-Guénoun : "DERRIDA ET LEVINAS : ETHIQUE, ECRITURE, HISTORICITE"

Lien

L'analyse de Paola Marrati-Guénoun peut paraître plus confuse que celle de Stéphane Mosès. En revanche, elle est riche d'une foule de considérations qu'on aurait tort de dédaigner. Par exemple :
"...Pour Derrida la notion de trace renvoie à la question de l'écriture, question qui n'est pas étrangère à celle du corps, mais qui en propose un autre paradigme, très différent de celui, lévinassien, de la sensibilité comme exposition. En effet, à partir de l'Introduction à L'origine de la géométrie de E. Husserl, ce qui intéresse Derrida est le rapport du corps et de l'âme dans l'écriture. En analysant les raisons qui conduisent Husserl, de manière apparemment inattendue, à introduire le langage et l'écriture comme conditions de possibilité de la constitution de l'idéalité même du sens, Derrida suit le fil de la nécessité et des limites d'une certaine « incarnation » de la spiritualité du sens dans la corporéité du signe à l'intérieur de la phénoménologie husserlienne. "
Et d'autres. Et puis... enfin une voix féminine dans ce débat, qui en compte peu !

* * *
  • @ Geneviève, dans la revue Rue Descartes, "Salut à Jacques Derrida", par Alain David : Lien
  • Voir encore : "Penser l'époque avec Levinas et Derrida", de Alain David : Lien
  • Du même auteur, Racisme et antisémitisme. - Essai de philosophie sur l'envers des concepts, de Alain David, préfacé par Jacques Derrida. Notice de la librairie Decitre : 
"Combattre le racisme, l'antisémitisme, " sous toutes ses formes ", dit-on. Cet essai, de philosophie, a pour objet d'insister, d'infléchir et de radicaliser la lutte, en débusquant partout le racisme et l'antisémitisme : partout, c'est-à-dire bien au-delà des formes dans lesquelles l'un et l'autre se révèlent, s'avouent ou se nient, bien plus loin que n'importe quelle forme ; mettant au contraire en exergue, en tant que l'énigmatique relation de ces deux mots, la terrible violence qui procède, pour toute civilisation, de l'imposition, de la superstition, de la forme. Au regard de quoi Jacques Derrida, en lecteur et préfacier chaleureux, appose ce commentaire :
" Qu'on lise donc Alain David, c'est au fond tout ce que je voudrais donner ici à entendre. Je suppose qu'alors on en conviendra : il s'agit enfin de penser [...] et de penser en pensant d'abord près de l'ombilic de la pensée même, le racisme, l'antisémitisme, le racisme et l'antisémitisme [...] C'est toute l'histoire de la philosophie, toute l'histoire des sciences sociales, toutes les approches " modernes " (théoriques et pratiques, discursives, militantes ou institutionnelles, " associatives ") du racisme et de l'antiracisme, de l'antisémitisme et du judaïsme - qu'elles soient d'ailleurs animées des pires ou des meilleures intentions, le meilleur se laissant ici ou là, dans cette terrible histoire, ventriloquer par le pire. Ambition à ma connaissance sans précédent... "

Jacques Derrida lecteur d'Emmanuel Levinas

Revue de Métaphysique et de Morale
Dans Violence et métaphysique, il semble que Derrida avance en phénoménologue conséquent. Tout porte à croire du moins qu'il revient sur une difficulté relevée par Husserl lui-même (Idées, §65) :
"Dans l'attitude phénoménologique, nous dirigeons le regard sur n'importe quel vécu pur en vue de l'explorer ; or les vécus qui forment cette recherche même, cette attitude et cette direction du regard, si on les prend dans leur pureté phénoménologique, doivent en même temps appartenir au domaine à explorer."
Le problème il est vrai est classique, de l'inclusion du questionneur dans le questionné. Mais ce rapprochement avec Husserl a un intérêt : l'enjeu de la dispute n'est pas tant, pour Derrida, d'écarter le risque de faire appel à nouveau à un arrière-monde (l'idée d'infini relayant celle de totalité), que celui de ne pas écarter de la réflexion, de l'observation cette béance qui apparaît dans l'observable : c'est donc dans l'infini de l'épiphanie du visage, de l'injonction coïncidant avec l'irruption d'autrui, que ce monde est questionnable dans sa finitude.

'Soi-même comme un autre' (1990), de Paul Ricoeur

 


Soi-même comme un autre, une rapide sitographie :
  • Le livre lui-même : Lien
  • L'argument, par Sophie Desbois : Lien
* * *

Dans ESPRIT, n° de Mars-Avril 2006, le texte d'une conférence donnée en 2003 par Paul Ricoeur, réactivant les problématiques de son livre LA MEMOIRE, L'HISTOIRE, L'OUBLI paru en 2000 -- livre cité par Frédéric Worms : Lien

Tourner les pages de ce module est un peu fastidieux (et nécessite une inscription), mais la matière est riche...

Jiddu Krishnamurti et la tradition védantique

@ Sylvie - Krishnamurti

Comment "concilier l'étude du problème de la philosophie à l'épreuve de la violence avec le questionnement suscité par Jiddu Krishnamurti" ?

Tentons de mettre de l'ordre dans nos pensées.
  • Krishnamurti n'a jamais accepté le titre de philosophe et en toute rigueur, au sens de la philosophie occidentale, K. n'est pas positivement philosophe.
  • Il a un rapport critique à toute "voie", à toute "méthode", à toute "méditation" et à tout maître qui le met en dehors de yoga, Ch'an, Zen... Mais n'est-ce pas plutôt un rejet permanent de la "théosophie" de sa jeunesse ?
  • L'enseignement de Krishnamurti semble converger vers une prise de conscience déliée du temps, instantanée (et par là comparable au "sublitisme" ch'an) de la vacuité de l'esprit, et simultanément de la non-dualité de l'observateur et de l'observé, de l'homme et du monde. Est-il pour autant védantiste, comme son contemporain Nisargadatta Maharaj par exemple, chez qui on pourrait trouver un semblable point d'ancrage ? Quoique Krishnamurti rejette toute médiation, tout "guru", à la réflexion il n'y a aucune raison de séparer absolument sa pensée de la tradition hindouiste où il a vu le jour. La "théosophie" d'Annie Besant, qui a pris le relais, étant en quelque sorte une greffe coloniale sur le tronc de l'hindouisme. Lorsque Krishnamurti quitte la "théosophie", il retrouve donc une liberté d'agir qui ne le coupe pas pour autant de ses racines hindouistes. L'admettre, me semble-t-il, permettrait de mieux de cerner l'originalité de Krishnamurti, en mesurant les distances qu'il prend par rapport au vedanta de son temps.
  • Selon la tradition védantique, donc, Krishnamurti incite l'individu à un décentrement de la perception, expérience à implications éthiques et métaphysiques, qu'il invite à pérenniser. Une telle expérience crée le sentiment d'être libéré de la violence... Libération réelle ? Libération du poids de la violence sur la  conscience ?
  • Parlons donc de KRISHNAMURTI comme d'un sage ou d'un philosophe, gardant à l'esprit la définition soulignée par Pierre Hadot de la philosophie antique comme choix d'un mode de vie, avec implications dans la pensée.
Une approche très rapide, mais qui me semble intéressante sur Krisnamurti : Lien

Sur Nisargadatta Maharaj : Lien

Paul-Laurent Assoun, 'L'Ecole de Francfort'


  • Aperçu du Que-Sais-Je de Paul-Laurent Assoun sur l'Ecole de Francfort : Lien
  • L'introduction du même : Lien
  • Une recension par R.E. Dagorn de l'ouvrage de P.-L.Assoun sur l'Ecole de Francfort : Lien
  • Sur Erich Fromm : Lien
---------------------
Autres liens, en anglais :
  • Horkheimer : Lien 


Hannah Arendt, quelques liens


 Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, Eichmann à Jérusalem

"Dispersé jusqu'à présent en trois volumes, Les origines du totalitarisme retrouve son unité dans la réunion des trois parties qui le constituent. L'ensemble est accompagné d'un dossier critique qui donne à la fois des textes inédits préparatoires ou complémentaires aux Origines, comme «La révolution hongroise», un débat avec Eric Voegelin, des extraits de correspondances avec Blumenfeld et Jaspers. - Pour Eichmann à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal, des correspondances avec Jaspers, Blücher, Mary McCarthy, Scholem éclairent l'arrière-plan de l'écriture de l'ouvrage et la violente polémique qu'il a suscitée."  [Notice Gallimard]

Les Origines du totalitarisme, synthèse éclair par Michel Winock : Lien

Eichmann à Jérusalem  : Lien

* * *

Hannah Arendt, "L'humaine condition"

 «Seule l'action est la prérogative de l'homme exclusivement ; ni bête ni dieu n'en est capable, elle seule dépend entièrement de la constante présence d'autrui" : c'est ainsi que, dans les premières pages de Condition de l'homme moderne, Hannah Arendt répond à sa manière à la question "qu'est-ce que l'homme?" dans un livre qui présente sans doute la synthèse la plus complète de sa pensée qu'elle ait donnée de son vivant. Les ouvrages réunis dans ce volume sont tous consacrés à ce problème de l'action, dont ils élucident à la fois la signification philosophique et les implications plus directement "politiques". Publiés entre 1958 (Condition de l'homme moderne) et 1972 (Du mensonge à la violence), ils sont donc postérieurs au premier grand livre de Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme (1951), dont ils donnent en quelque sorte le contrepoint ; Hannah Arendt y montre ce qui, dans "l'humaine condition", peut toujours être source de résistance contre tous les processus de destruction dont le totalitarisme moderne a représenté une forme paroxystique, mais dont certains traits se retrouvent dans toutes les sociétés modernes. Tous ces ouvrages s'appuient sur un travail considérable d'élucidation philosophique, dont on peut mesurer l'ampleur en lisant le Journal de pensée mais, contrairement aux grands livres posthumes, ils sont centrés sur les questions "pratiques", même lorsqu'ils proposent une interprétation d'ensemble de constructions "théoriques" aussi considérables que la science moderne ou la philosophie de l'histoire.» [Notice Gallimard]

La Condition de l'homme moderne :
http://mip-ms.cnam.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1295877017800

Du mensonge à la violence :
http://mip-ms.cnam.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1295877017801

La crise de la culture :
http://mip-ms.cnam.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1295877017799

Michel Foucault selon Peter Sloterdijk



Tempéraments philosophiques -  
Je n'ai pas trouvé mieux jusqu'ici, pour tenter de situer en quelques mots Michel Foucault l'insituable, que le chapitre que Peter Sloterdijk lui consacre dans Tempéraments philosophiques.
  • "Chez Foucault, écrit-il, l'art de ne pas écrire de notes en bas de page sur Platon se déploie pour la première fois dans la direction d'une posture classique alternative"...
  • P.S. note l'importance, pour la formation de la pensée de Foucault, de Nietzsche, de Blanchot, de Bataille, du surréalisme et du structuralisme. "Si Nietzsche avait proclamé, écrit-il encore, que Dionysos était devenu philosophe, Foucault mise à présent sur la thèse selon laquelle Dionysos devient archiviste." Et à ce sujet : "La subversion que Foucault pratique sur le savoir philosophique se trahit notamment dans sa manière de se détourner des jeux de problèmes de la philosophie officielle, et dans la détermination avec laquelle il se consacre aux travaux matériels." Ce faisant, "il demeure philosophe au sens le plus éminent du terme". ...
  • Le geste philosophique foucaldien est "une recherche des 'fondements' orientée vers une philosophie de l'événement"... Et en politicien et éthicien, Foucault voit dans l'événement "ce qui libère l'individuel".
Sur le livre de Sloterdijk : Lien

* * *

Sur l'influence et actualité de Michel Foucault, un article assez général : Lien

Alain Bensa critique de Claude Lévi-Strauss

@ Pierre Hébrard

Je me demande si, sur un point particlulier au moins, la critique d'Alban Bensa, telle qu'en rend compte Pierre Hébrard, envers Claude Lévi-Strauss est bien fondée.
  • Lévi-Strauss, a conscience que voir dans les "Primitifs" des "peuples sans histoire" relève d'une vision erronée, qui reflète uniquement l'ignorance où nous sommes de cette histoire.

    En conséquence, la méthode quasi statigraphique qu'il emploie, pour analyser structuralement les "arrangements" linguistiques, mythologiques, familiaux etc. des groupes humains qu'il rencontre, permet de lever l'obstacle, suggérant par là-même l'épaisseur historique des processus qui ont abouti à ce que nous constatons à l'instant T.

    Certes, on peut regretter, après coup, qu'une enquête complémentaire n'ait pas tenté de reconstituer, à ce propos, des enchaînements d'événements qui auraient figuré, pour nous, des éléments d'histoire.
  • Mais cela conduit à un autre point, qui soulève des questions analogues. Devant les conditions limites d'interprétation des langues indigènes auxquelles se heurtaient les enquêteurs, les méthodes de CLS permettaient de passer l'obstacle d'un déficit en récits autochtones autorisés.
  • Par ailleurs Claude Lévi-Strauss, dans un chapitre de son oeuvre dont je n'ai pas gardé la référence, soulève bien la question de la parole issue du groupe étudié. Il en note la nette insuffisance, dans l'impossibilité où elle selon lui est de traduire "l'inconscient" des arrangements structurant la société.
  • Enfin les dernières pages d'Anthropologie Structurale I sont consacrées à élucider la notion de structure en ethnologie, l'auteur insistant avec force sur le fait que l'analyse structurale est un outil qui appartient à l'analyste, et ne se trouve pas comme telle dans la réalité étudiée.
Voilà du moins mes questions, mes remarques et mes hypothèses concernant Lévi-Strauss lui-même. Maintenant, que Bensa ait les moyens de faire évoluer les points de vue et les méthodes en anthropologie, ses travaux, me semble-t-il, l'ont amplement prouvé.

Alain Bensa, sa page personnelle sur le site de l'IRIS : Lien

mardi 3 juin 2014

Jankélévitch, Levinas, Derrida et judaïsme

Le volume Sources, Recueil, recueille précisément une douzaine de textes de Jankélévitch consacrés à ses sources d'inspiration. Six d'entre eux sont consacrés à "La conscience juive : rassembler / dissembler"

Le plus frappant, daté de 1957, s'intitule "Le judaïsme, problème intérieur". -- Que suis-je, dans ce nous que nous sommes ? (J'interprète) Qu'est-ce qu'on me sur-impose ici, et qui alors m'insupporte, autant que m'insupporte l'ignorance que l'on feint, ou l'agressivité que l'on déploie, à l'égard de ce que je suis et ne suis pas, dans ce nous que nous sommes et ne sommes pas ?

Levinas, en regard : pour lui, la médiation est le livre. Un livre "est une modalité de notre être" (Ethique et infini, p.12). Et parmi les livres, "la Bible serait pour moi (dit-il) le livre par excellence".

Derrida évoque paradoxalement un lien quelconque, si ténu soit-il, avec la tradition juive grâce à la médiation de la figure du marrane, qui est avant tout porteur de secret (un secret qu'il a pu déformer, voire oublier).

Ce qui me semble important, c'est que chacun décrit un lien original à la tradition juive. Chez Rosenzweig on trouverait encore autre chose, chez Benjamin, chez Scholem, chez Buber...  Et parler de la position de l'un d'eux comme conforme à la tradition juive, ou à l'enseignement des rabbins, serait selon moi encore trop dire. Ne serait-ce parce que l'enseignement majeur du Talmud, c'est justement que parmi tout ce qui doit être reçu avec respect, rien ne doit être reçu sans examen et discussion !

Emmanuel Levinas par Paul Elbhar

On me signale un essai de Paul Elbhar, "L'Ecriture latine d'Emmanuel Levinas", dans Controverses, 24/11/11 : Lien
L'article est intéressant parce que très fouillé, mais il faudrait prendre le temps de discuter plusieurs points. qui pour moi rendent ce texte ambigu. En voici deux très rapidement :
  • Faire de Levinas d'abord un "polémiste", est-ce rester fidèle à son intention ? La polémique ne survient-elle pas toujours chez lui, au contraire, lorsque des préjugés tenaces obstruent une perspective significative de liberté, qu'il veut ouvrir ?
  • Parler chez lui d'écrits "confessionnels", n'est-ce pas gauchir la pensée de Levinas ? A plusieurs reprises, Levinas insiste à ce propos, soulignant que son engagement dans la discussion de textes appartenant au patrimoine juif est celui d'un intellectuel, d'un philosophe, en aucun cas d'un religieux ? (Voir par exemple son introduction aux Quatre lectures talmudiques...)
 Et pourtant, le recueil de Levinas Difficile liberté, quoi qu'on en ait, donnerait évidemment raison à Paul Elbhar !
* * *

Du même auteur, une conférence sur "Les fantômes de Jacques Derrida", où il met Derrida en conversation avec Freud, est à visionner sur Akadem : Lien

Levinas et la notion d'amour


"Je me méfie du mot "amour" qui est galvaudé, mais la responsabilité-pour-autrui, l'être-pour-l'autre, m'a paru dès cette époque [où il découvre L'Etre et le temps, de Heidegger] arrêter le bruissement anonyme et insensé de l'être. C'est sous la forme d'une telle relation que m'est apparue la délivrance de l' "il-y-a". "

Enfin il faudrait tout lire. C'est dans Ethique et infini, page 42.

Et plus près de notre cours : "La métaphysique se joue dans les rapports éthiques."

Ethique et commandement, judaïsme et christianisme

@ Sylvie
  • Il me semble évident que Derrida, Jankélévitch, Levinas vivent dans un monde où le concept de "commandement" rapporté à l'éthique a un sens. Les deux premiers (c'est mon hypothèse) parce qu'ils sont lecteurs d'Augustin, qui déploie tout une phénoménologie du rapport de l'impératif au commandement ? (Et de Rousseau, lui-même lecteur d'Augustin...?)
  • Levinas, lui, sans être à proprement parler talmudiste, participe d'une culture hébraïque moins familière à Derrida et Jankélévitch. Cela donne Difficile liberté (1963, 1976) sous-titré Essais sur le judaïsme. Avec en épigraphe : " "Liberté sur les tables de pierre"... Traité des principes, 6.2". Le commandement comme signe, comme surgissement de la liberté. Cela donne aussi les Lectures talmudiques, dont la première (1963 ?) porte sur le pardon. Levinas écrit notamment : "Personne ne peut pardonner, si le pardon ne lui a pas été demandé par l'offensant, si le coupable n'a pas cherché à apaiser l'offensé." (Apaiser est en effet le mot clé de la Michna dans ce passage.) -- On est bien proche de Jankélévitch (qui après tout avait peut-être bien lu, ne serait-ce que dans sa traduction française, le Traité des pères.)
  • Quoi qu'il en soit, il est évident selon moi que Derrida, comme Jankélévitch, aussi bien que Levinas ont une approche très informée et sans tabou du christianisme. Mais il me semble néanmoins que leur approche de la littérature judaïque et chrétienne est très différenciée et, en un sens, très critique. En outre, la diatribe de Jésus sur le double commandement suprême, qui résume "toute la loi et les prophètes", porte sur deux citations, du Deutéronome et du Lévitique : c'est un débat entièrement pharisien, un débat qu'on pourrait dire (si certains anachronismes ont un sens), pré-talmudique.
  • Pour conclure, je pense qu'il n'est pas possible de dire que le message de Jésus de Nazareth passionne particulièrement tel ou tel de nos trois penseurs, comme il passionne Simone Weil. Mais bien sûr, tout cela serait à vérifier et à approfondir.
* * *
 Le pardon, l'oubli, l'apaisement.

@ Jean-Claude - L'interrogation pardon et/ou oubli, ne peut cesser d'être soulevée.

Mais remarquons que Levinas, dans sa première Lecture Talmudique, nous suggère un troisième terme, qu'il tire de la Michna : l'apaisement. Ce n'est pas un moyen terme, Ce n'est pas une solution. Ce serait plutôt un tiers inclus, dont il faudrait scruter l'étrange physionomie qu'il confère à son environnement moral.
Un point, selon moi, à creuser.