Rapporté à la chronologie des publications de Claude Lévi-Strauss, cet ouvrage de Gusdorf prend donc place entre Race et histoire (1952) et Tristes tropiques (1955).
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Léon Brunschwicg, dans Les âges de l'intelligence (1934), paraît en
réalité développer une perspective plus ouverte que ce que laisse entendre Georges Gusdorf. LienDans cet ouvrage, s'appuyant sur la conception begsonnienne de la durée, Brunschwicg entreprend de contredire directement Auguste Comte, à qui il reproche de voir le monde comme le voit un enfant. Un passage de cet ouvrage, que je cite ici, paraît proposer à Claude Lévi-Strauss comme une première approche de ce qui sera son cadre de pensée :
"La première démarche qui oriente vers l’état positif cette branche de l’anthropologie [préhistoire et ethnographie] consiste à vider de sa compréhension originelle le concept du primitif. Il ne sera plus question de « rationaliser » la genèse de l’intelligence en imaginant le point de départ d’après ce qui est pour nous le point d’arrivée, d’après notre conception actuelle de l’univers, et en traçant de l’un à l’autre la ligne la plus droite possible. La pensée du non-civilisé, comme la pensée de l’enfant, doit être envisagée, non en fonction de la nôtre, mais pour elle-même dans son comportement intrinsèque ; c’est-à-dire que la mentalité primitive désignera uniquement le champ au delà duquel nos moyens d’investigation ne nous permettent pas de pénétrer." (p.19)Brunschwicg a été le professeur de philosophie de Claude Lévi-Strauss à la Sorbonne en 1927. Son livre paraît l'année précédant le départ pour le Brésil de Lévi-Strauss (1935), voyage qui va donner lieu à ses premières enquêtes ethnographiques.
On me fait remarquer que la notion de "non-civilisé" marque encore, dans ce texte de Brunschwicg, une pensée captive du préjugé colonial. C'est vrai : malgré les avancées de son illustre professeur, il reviendra à Claude Lévi-Strauss d'opérer le renversement.
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