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mardi 2 juin 2015

Geneviève de Gaulle Anthonioz, 'La Traversée de la nuit' (1998)

Geneviève de Gaulle Anthonioz fait paraître cinquante pages en 1998 sur son séjour plus d'un demi-siècle auparavant à Ravensbrïck. Mystérieuse maturation de souvenirs qui à l'évidence ne passent pas. Mémoire du corps exposé dans la douleur aux coups, à la violence, à la maladie, à la mort. Mémoire de l'esprit qui dans sa détresse voit s'éteindre toutes les lumières qui tiennent en vie.  Mais mémoire aussi d'étincelles de fraternité qui avaient pu par moments traverser cet espace d'extrême déréliction et y réveiller quelque espoir de lendemains moins inhumains.

Il fallait sans doute cinquante ans pour que cette expérience extrême, terriblement intériorisée, puisse "sortir", comme on dit - puisse s'exprimer. Cinquante ans d'un silence que Geneviève de Gaulle Anthonioz accompagne d'une action infatigable auprès des plus démunis. Cinquante ans d'une méditation qui aboutit sous nous yeux à une forme épurée - l'auteur ne veut rien écrire dans cette Traversée de la nuit qu'elle n'ait vu de ses yeux - avec un enlacement du temps sur lui même - de son entrée au "bunker" en régime d'isolement à sa sortie du même lieu -  un emmêlement qui signifie bien l'oppression de l'imaginaire qui accompagne cette épreuve.

Elle note les bribes de réalité qui figurent un minuscule ou immense réconfort : un rêve, des compagnes attentives, des objets, un anniversaire souhaité, un spectacle de nature,  un chant esquissé, le sommeil. Et des linéaments de solidarité :
Savez-vous, mes camarades, que je suis tout près de vous ? Je sens votre fatigue et regarde avec vos yeux l'aube qui se lève sur le ciel nacré de la Baltique. Il n'y a pas d'autre vie à rêver que la vôtre, que la nôtre. Au-delà, c'est inatteignable.[p.17]
Mais dès l'arrivée au camp, un désespoir de fond s'est installé :
Ces êtres, encore vivants, n'avaient déjà plus de regard. J'aurais dû éprouver de la compassion, ce qui m'atteignait, c'était le désespoir [...] Tandis que nous marchions en titubant de fatigue entre les baraques sombres, sur le sol noir de scories, m'obsédait la certitude que, bien pire que la mort, c'était la destruction de notre âme qui était le programme de l'univers concentrationnaire. [18]
Après neuf mois passés au secret, il apparaît que le "bunker" lui avait été obtenu par un réseau clandestin communiste du camp, bien qu'elle ne fût elle-même nullement communiste. Et puis la radio diffuse la descente des Champs-Élysées (26/08/1944) : les autorités allemandes semblent vouloir se ménager des témoignages moins accablants si la défaite définitive du IIIe Reich se confirme - et la nièce de Charles de Gaulle bénéficie enfin de soins médicaux, en raison des lésions aux poumons et du scorbut dont elle est atteinte.Elle ne sera libérée qu'en avril 1945, avec l'ouverture du camp par l'Armée rouge.
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  • Geneviève de Gaulle Anthonioz sur Wikipedia : Lien
  • Hommage au Panthéon, mai 2015, film : Lien
  • Sur le camp de Ravensbrück : Lien
  • Les travaux de l'ADIR sur Ravensbrück, avec notamment Geneviève de Gaulle Anthonioz et Germaine Tillion : Lien
  • Evocation de Ravensbrück et documents, vidéo 3 minutes : Lien
  • Les Femmes de Ravensbrück, film, extrait 18 minutes : Lien
  • La descente des Champs Elysées, le 26 août 1944, 3vidéos : Lien
  • Autre film de l'événement : Lien