lundi 25 janvier 2016

La laïcité, objet et projet philosophiques

Avançons premièrement que la laïcité est un objet philosophique, dans la mesure où les Lumières très tôt s'en préoccupent, et que de nombreux philosophes jusqu'à ce jour n'ont cessé de dire là-dessus leur opinion... Mais pour les Lumières, c'est d'abord un projet philosophique : la laïcité du pouvoir politique et donc de l’État doit permettre d'imposer ou de faire admettre une paix civile souvent remise en question par des différences de solidarités de groupes – Ecossais presbytériens et Anglais anglicans ou catholiques par exemple.Il s'agit donc du point de vue de la philosophie de présenter le bien fondé et les avantages de promouvoir un tel principe constituant dans les rouages de l’État.En France, la IIIe République a conscience de parachever la Révolution en adoptant la laïcité omme doctrine et comme principe, et en l'instaurant grâce aux lois de séparation de l'Eglise et de l'Etat (1905).

Où la neutralité intervient-elle ? La laïcité n'est-elle jamais « contre » ?


Avançons encore que si le principe constitutionnel inscrit dans la loi est bien la neutralité de l’État – avec ses corps législatif, exécutif et judiciaire – il n'en reste pas moins que sa mise en œuvre s'opère bien dès l'origine contre les empiétements séculaires d'un groupe religieux dominant - ici le catholicisme, ou plutôt l'appareil catholique. Car on ne voit pas qu'au début du XXe siècle, protestantisme et judaïsme aient protesté contre ces nouvelles dispositions : au contraire, celles-ci arrangent les groupes de solidarité religieuse minoritaires.De fait, par conséquent, l'application du principe de laïcité remet en question des arrangements inégalitaires en vue d'une certaine égalité, et proroge ce nouvel arrangement grâce au principe de neutralité.

Neutralité et indifférence - Vers de nouveaux arrangements.


Or une société comme la nôtre, entrée dans une ère post-coloniale depuis un demi siècle, a vu ses équilibres changer entre groupes de solidarités religieuses. Ceci est bien connu, mais il ne faut pas négliger qu'arrive au premier plan sur la scène publique, en même temps, non plus seulement une « neutralité » des personnels politiques ou étatiques, mais bien une indifférence qui ne rend pas forcément plus claire cette neutralité. Et remarquons aussi que récemment, on a souvent brandi le mot « laïcité » comme un slogan. Or comme slogan, le mot « laïcité » employé seul est faible. Il est faible en effet s'il ne s'accompagne pas d'un projet de réintroduire dans les arrangements une égalité assurée constitutionnellement, mais remise en jeu du fait des mobilités sociales.

Réflexion et pragmatisme


Vecteur d'égalité, vecteur de constitutionnalité, la laïcité apparaît donc comme un concept qui résiste à une théorisation trop poussée, dès lors qu'il perdrait sa force comme projet, un projet de résoudre des déséquilibres apparus dans l'expérience. Or cette résolution ne peut passer que par l'action, action citoyenne et action politique.Qu'on se conteste donc, comme on le voit actuellement au sommet de l’État, rien de plus naturel. Si ce débat a en vue de construire une action concertée, cela ne peut qu'être bénéfique.Dans le cas contraire, l'injure n'a qu'une portée misérable, où la laïcité, ni comme principe ni comme projet, ne trouvera son compte.

Jean-Marie Perret.
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  • Site de l'Observatoire de la laïcité : Lien
  • La laïcité selon J.Baubérot : Lien
  • Histoire de la laïcité en France, selon Wikipédia : Lien
  • L'affaire Calas, sur Hérodote.net : Lien
  • Déclaration de l'UNESCO sur la tolérance : Lien

vendredi 1 janvier 2016

Bonne année 2016 !


Bonne année à tous nos contributeurs et lecteurs !
Beaux chemins de lectures, de réflexions, de méditations, d'échanges... et d'action.

Les événements de l'année écoulée ont conduit PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE FRANCE à accorder une large place aux problématiques de la violence. On y verra une fidélité au questionnement cardinal qui l'a généré : quel est l'impact de la violence sur la pensée, et particulièrement sur la philosophie contemporaine ? Frédéric Worms et Marc Crépon ont sans doute bien œuvré, puisque ce fil se révèle aujourd'hui plus pertinent que jamais.

C'est qu'il est facile de parler de ses sentiments et de ses humeurs. Il est de nobles indignations, et avoir des idées sur ceci et sur cela est probablement la chose la plus répandue au monde. Mais examiner, discerner, évaluer, choisir, comme l'enseigne Socrate déjà, c'est là progresser vers la philosophie. Et à cet égard, l'attention portée dans ce blog aux voix philosophiques contemporaines est riche d'enseignements : tous les médias n'ont pas cherché à recueillir des réflexions de fond, mais certains au contraire ont démontré un bel engagement. Et parmi les contributions ainsi recueillies, celles qui descendent jusqu'au cœur des problèmes posés par la violence contemporaine et font tout pour rester, ce faisant, au contact du public, de tous, de nous-mêmes méritent une lecture attentive.

C'est ainsi que ce blog a pu mettre en valeur l'apport - apport plus qu'au débat, à la recherche - de Giorgio Agamben, de Judith Butler (avec quelques réserves), de Marc Crépon, de Michaël Foessel, de Corrine Pelluchon, de Frédéric Worms... Sans négliger les points de vue d'Alain, de Camus, de Derrida, de Habermas, de Koestler, de Ronell, de Sloterdijk, de Zambrano... Et puis d'autres interrogations de l'heure, pour lesquelles on pourra remonter la série des billets publiés dans l'année.

Autant de préoccupations sévères, sans doute, mais la justesse de la pensée n'est-elle pas déjà, pour une part, libération de l'angoisse, fille de la confusion ?

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NB - Les statistiques présentées ici sont censées refléter l'audience du blog depuis sa création, en en faisant apparaître les dix premiers résultats.... En faire une interprétation imposetait la plus grande circonspection. On ne s'y risquera pas ici.