Avançons premièrement que la laïcité est un objet
philosophique, dans la mesure où les Lumières très tôt s'en
préoccupent, et que de nombreux philosophes jusqu'à ce jour n'ont
cessé de dire là-dessus leur opinion... Mais pour les Lumières,
c'est d'abord un projet philosophique : la laïcité du pouvoir
politique et donc de l’État doit permettre d'imposer ou de faire
admettre une paix civile souvent remise en question par des
différences de solidarités de groupes – Ecossais presbytériens
et Anglais anglicans ou catholiques par exemple.Il s'agit donc du point de vue de la
philosophie de présenter le bien fondé et les avantages de
promouvoir un tel principe constituant dans les rouages de l’État.En France, la IIIe République a
conscience de parachever la Révolution en adoptant la laïcité
omme doctrine et comme principe, et en l'instaurant grâce aux lois
de séparation de l'Eglise et de l'Etat (1905).
Où la neutralité intervient-elle ? La laïcité n'est-elle jamais « contre » ?
Avançons encore que si le principe
constitutionnel inscrit dans la loi est bien la neutralité de l’État
– avec ses corps législatif, exécutif et judiciaire – il n'en reste pas moins
que sa mise en œuvre s'opère bien dès l'origine contre les
empiétements séculaires d'un groupe religieux dominant - ici le
catholicisme, ou plutôt l'appareil catholique. Car on ne voit pas
qu'au début du XXe siècle, protestantisme et judaïsme aient protesté
contre ces nouvelles dispositions : au contraire, celles-ci
arrangent les groupes de solidarité religieuse minoritaires.De fait, par conséquent, l'application
du principe de laïcité remet en question des arrangements inégalitaires
en vue d'une certaine égalité, et proroge ce nouvel arrangement
grâce au principe de neutralité.
Neutralité et indifférence - Vers de nouveaux arrangements.
Or une société comme la
nôtre, entrée dans une ère post-coloniale depuis un demi siècle,
a vu ses équilibres changer entre groupes de solidarités
religieuses. Ceci est bien connu, mais il ne faut pas négliger qu'arrive au premier plan sur la scène
publique, en même temps, non plus seulement une « neutralité » des
personnels politiques ou étatiques, mais bien une indifférence qui ne rend pas
forcément plus claire cette neutralité. Et remarquons aussi que récemment, on a souvent brandi le mot « laïcité »
comme un slogan. Or comme slogan, le mot « laïcité »
employé seul est faible. Il est faible en effet s'il ne s'accompagne pas d'un projet de réintroduire dans
les arrangements une égalité assurée constitutionnellement, mais
remise en jeu du fait des mobilités sociales.
Réflexion et pragmatisme
Vecteur d'égalité, vecteur de
constitutionnalité, la laïcité apparaît donc comme un concept qui
résiste à une théorisation trop poussée, dès lors qu'il
perdrait sa force comme projet, un projet de résoudre des déséquilibres apparus dans l'expérience. Or cette résolution ne peut passer que par l'action, action citoyenne et
action politique.Qu'on se conteste donc, comme on le
voit actuellement au sommet de l’État, rien de plus naturel. Si ce
débat a en vue de construire une action concertée, cela ne peut
qu'être bénéfique.Dans le cas contraire, l'injure n'a
qu'une portée misérable, où la laïcité, ni comme principe
ni comme projet, ne trouvera son compte.
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