dimanche 30 novembre 2014

Beatriz Preciado par elle-même



Une vidéo peut nous permettre d'approcher la pensée jamais en repos de Beatriz Preciado. Je me hâte de signaler ce document plein d'intérêt. Au sommaire notamment :
La formation, l'origine de l'écriture de Beatriz Preciado - Sa rencontre avec Jacques Derrida aux États Unis - Le mouvement queer - La conversion d'Augustin dans sa dimension corporelle/sexuelle - Les technologies de production du genre - En France, un féminisme introuvable - Sortir de l'écriture académique, les manifestes parodiques - Élargir l'Histoire de la sexualité de Michel Foucault : Réflexion sur le nouveau régime "pharmaco-pornographique" ; Le contrôle social du désir - Au Musée d'art contemporain de Barcelone - Faire du musée un espace de transformation et de production de connaissances. - Un slogan activiste : "Nous sommes une assemblée constituante" - Une question pour finir : "Comment vivre avec les animaux, comment devenir un animal ?"
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  • Voir la vidéo centrée sur  Beatriz Preciado, l'Entretien infini, conversation avec H.U. Obrist à la Fondation Cartier, 05/09/2014 (français, 28 mn) : Lien
  • Lire la carte d'identité professorale de Beatriz Preciado sur le site du MacBa (en espagnol) : Lien
  • Ouvrir le site du Musée art contemporain de Barcelone : Lien

vendredi 28 novembre 2014

Promesse ou contrat ?


A la différence de la civilisation grecque, la civilisation romaine développe une expertise juridique, où la promesse est considérée sous un angle particulier, celui de la contractualisation.

La distance de la promesse au contrat peut échapper à l'attention, mais ses conséquences ne sont pas sans importance.

La promesse


La promesse proprement dite s'opère de personne à personne, et prend tout son sens dans le secret de la relation je-tu. La relation n'est pas forcément égalitaire, et par la promesse  le promettant peut s'obliger envers quiconque, le fort envers le faible, par exemple. La promesse vue sous cet angle n'a pour témoins que le promettant et celui auquel s'adresse la promesse. Et la teneur de cette promesse n'a pour garantie que la mémoire et la bonne foi des deux parties - la fidélité et la confiance -, et c'est dans ce sens que la promesse peut avoir une portée "métaphysique" pour Gabriel Marcel, ou constituante du sujet chez Paul Ricœur... En guise de sanction, la promesse n'a donc que la confiance renouvelée ou perdue - et, à moins qu'un manquement à la parole donnée (la promesse prend tout son sens dans l'oralité) ne porte à la vengeance, la reconnaissance.

Le contrat


Anne Amiel témoigne du glissement contemporain, qui aboutit à lire principalement la promesse dans la dépendance du contrat. Dans son article "Promesse" du Dictionnaire Larousse de philosophie, Anne Amiel part en effet de Thomas Hobbes pour cerner, dans l'univers du contrat, le statut spécifique de la promesse. Elle écrit :
Le contrat est un transfert mutuel de droits qui présuppose le concours de deux volontés, c'est-à-dire enveloppe l'acceptation de celui qui reçoit.
Mais le contrat étant ainsi un acte négocié, pesé et rédigé pour être finalement acté, on distingue dans l'intention de passer contrat une promesse motrice. Anne Amiel poursuit :
Promettre est un acte volontaire, la fin d'une délibération, et porte donc sur un acte futur et jugé possible, on engage sa liberté, et "là où la liberté cesse, l'obligation commence".
On est ainsi très vite dans la promesse de contrat, notion éminemment juridique reflet d'une société du donnant, donnant. Dans cette perspective, il n'est plus possible d'évoquer que comme un souvenir le mystère sur lequel méditait Gabriel Marcel.
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  • La promesse de contrat en droit français, un article de Wikipedia : Lien
  • Théorie de la promesse unilatérale de vente en droit notarial français : Lien
  • Un aperçu de la jurisprudence récente et de ses fluctuations en matière de promesse de contrat : Lien
  • Anne Amiel explorant avec Raphaël Enthoven le thème du mensonge (et notamment du mensonge politique), une video d'Arte : Lien
  • Grand dictionnaire de la philosophie, présentation : Lien

jeudi 27 novembre 2014

Nietzsche, beauté de la promesse et promesse de l'oeuvre

Friedrich Nietzsche - AURORE. - Réflexions sur les préjugés moraux.

Le thème de la promesse n'est pas fréquent  dans l’œuvre de Friedrich Nietzsche. Mais lorsqu'il apparaît, il signale quelque chose d'extraordinaire, à un niveau de compréhension supérieur.

Aurore (1881)


Dans Aurore, la promesse intervient comme l'indication d'un plus du langage, d'un niveau de l'esprit qui dépasse la parole, et que seul le silence serait à même de signifier :
Comment l'on promet le mieux. - Lorsque l'on fait une promesse, ce n'est pas la parole qui promet, mais ce qu'il y a d'inexprimé derrière la parole. Les mots affaiblissent même une promesse en déchargeant et en usant une force, qui est une partie de cette force qui promet. Faites-vous donc donner la main en mettant un doigt sur la bouche, - c'est ainsi que vous faites les vœux les plus sûrs. [fragment 350, trad. Albert & Lacoste]

Ecce Homo (1888)


Dans Ecce Homo, qui répond à Aurore comme se répondraient les deux rives d'une mer qui figurerait l’œuvre, Nietzsche reprend le thème de la promesse d'un tout autre point de vue. Dans cette partie intitulée "Pourquoi j'écris de si bons livres" - une revue critique de son œuvre analogue aux Retractationes d'Augustin -, il situe notamment son point de vue présent sur ses Considérations inactuelles (1873-1876) :
Ce que je suis aujourd'hui, je suis aujourd'hui - une hauteur où je ne parle plus avec des mots, mais avec des éclairs -, ô combien loin j'en étais alors encore ! - Mais je voyais la terre... je ne me trompais pas un seul instant sur la route qui restait à parcourir, sur l'état de la mer, sur les dangers - et le succès ! [trad. Albert & Lacoste, §3]
Et c'est à ce propos et dans ce climat éminemment romantique que la promesse est invoquée : la promesse que figurait cette première exploration dans les Considérations des thèmes qui allaient structurer l’œuvre :
Il y a un grand calme dans la promesse, une heureuse perspective sur un avenir qui ne doit pas rester une vaine promesse !! - Ici, chaque mot est vécu, profondément, intimement..
Les Promesses de l’œuvre : il conviendrait maintenant pour prolonger ces notes trop rapides d'ouvrir l'ouvrage de Jean-Michel Rey portant ce titre, et qui s'intéresse notamment à Nietzsche....
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  • Aurore, de Nietzsche, une brève présentation : Lien
  • Lire le texte d'Aurore sur Wikisource : Lien
  • Ecce Hommo, un article de Wikipedia : Lien
  • Lire le texte d'Ecce Homo sur Wikisource : Lien
  • Présentation de Les Promesses de l’œuvre, Artaud, Nietzsche, Simone Weil, de Jean-Michel Rey (2004) : Lien

jeudi 20 novembre 2014

La vie trahit-elle ses promesses ?


 

La vie tient-elle, ou trahit-elle ses promesses ? Mais quelles promesses aurait-elle à tenir ? Et promesses formulées par qui ? On dirait que déception et lassitude de l'existence se retournent contre elle. Il lui est fait grief, il lui est fait reproche. Comme le dialogue entre l'homme et sa conscience, on la voit transformée en une interlocutrice devenue injustement muette.

Pourquoi, dans la désillusion, dans la déception, s'engage-t-on dans cette voie du reproche, alléguant une promesse dont on ne peut produire que des traces incertaines, mais bouleversantes ? On se sent dessaisi de quelque chose que de bonne foi l'on pensait posséder fermement, débouté d'un droit qu'on tenait pour inaliénable.

Le paradigme de l'amour maternel


Dans son roman La Promesse de l'aube, publié en 1960 et réédité en 1980 dans sa forme définitive, Romain Gary donne une description saisissante de l'origine, selon lui, de cette déception :
Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est ensuite obligé de manger froid jusqu'à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son coeur, ce ne sont plus que des condoléances? [p.43]
On ne peut mieux souligner la nature intime et émotionnelle de la déception. Quitte à se demander ce qu'il en est de l'enfant abandonné à sa naissance, ou de l'enfant victime de violences maternelles.

Mais l'exemple puissamment invoqué par le romancier nous conduit à cette attente indéracinable qui habite chaque individu à l'égard d'une antériorité, d'un pan entier de l'expérience qui le précède.

L'attente et la sagesse


Si l'on revient à la phénoménologie que fait Paul Ricoeur de la promesse, il semble en effet qu'en fonction du thème de l'attente on comprendra mieux cette figure de la promesse surgie des désapointements de l'âge. Que la promesse réponde ou non à une attente de l'autre, elle crée de toute façon une attente, désormais, chez cet autre. Ainsi nous attendons quelque chose de la vie. Et pourquoi, sinon parce que la vie nous a été donnée sans demande de notre part : entre elle et nous, l'engagement est dissymétrique. La vie ayant l'initiative, pourquoi n'aurait-elle pas d'obligations à notre égard ?

Il est donc possible en définitive de dire que la vie ne trahit pas ses promesses, et ce, en fonction de deux arguments contradictoires. Soit l'on maintiendra que la vie ne fait aucune promesse, que cette idée de promesse est pure illusion : c'est la voie de la raison pure. Soit l'on considèrera que la vie naissante, comme promesse (l'aube de Romain Gary) est bien promesse d'une certaine façon au vu de notre attente, mais promesse dont le contenu encore ignoré est à inventorier, et c'est la tâche d'une philosophie humble et pratique qui pourrait indiquer la direction de la sagesse, voire celle du bonheur. Auquel cas on pourrait soutenir que la vie tient ses promesses, mais des promesses masquées, sibyllines, qui sont de l'ordre de l'oracle, et engagent sourdement, invoquant la pensée de Maria Zambrano, la confiance entendue absolument, et par là pour ainsi dire, suivant le même guide, le commerce des hommes et des dieux.

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  • Brève évocation en images de La Promesse de l'aube et de son auteur: Lien
  • Écouter une émission de 53 minutes sur La Promesse de l'aube, en dialogue avec Anne Morange sur France-Inter : Lien

mercredi 19 novembre 2014

Paul Ricoeur, une phénoménologie de la promesse



"C’est dans l’œuvre tardive de Ricoeur, à partir des années 1990, que le philosophe a élaboré le thème de la promesse", indique Henri Duthu. "Bien qu’elle soit évoquée à de multiples reprises, elle ne fait l’objet d’une analyse développée que dans deux ouvrages : Soi-même comme un autre (1990) et Parcours de la reconnaissance (2004). Dans le premier cas, la promesse est opposée au caractère ; dans le second cas son vis-à-vis est la mémoire. Marlène Zarader rappelle succintement cette double analyse."

Paul Ricoeur tente alors une sortie du dilemme de l'identité, apparemment ennemie de la promesse, dilemme analysé notamment par Gabriel Marcel. C'est ainsi qu'il conviendrait de distinguer, selon Paul Ricoeur, deux modes distincts de l'identité : l'identité symbolisée par le mot idem, et celle correspondant au mot ipse. Idem indique le même, que le philosophe propose de rattacher à la notion de caractère. Ipse en revanche indique l'identité du soi, et elle trouve son illustration la plus remarquable dans la promesse.
Promettre, écrit Marlène Zarader, c’est plus spécifiquement m’engager à faire demain ce que je dis aujourd’hui que je ferai. Or la possibilité même de cette « parole tenue dans la fidélité à la parole donnée » indique une permanence dans le temps d’un tout autre genre, un « maintien de soi » où l’ipse apparaît en sa pureté, puisque au lieu de coïncider avec l’idem, il s’en affranchit. C’est à cette « identité de soi », en tant qu’irréductible à celle du même, que Ricoeur réserve le terme d’ipséité.
A cela s'ajoute le fait que la promesse est toujours formulée en raison de l'autre, et qu'en somme promettant, je me mets en situation de dépendre désormais de l'attente d'autrui. "Tels sont les deux versants, complémentaires, de la promesse, note Marlène Zarader ; elle est garante de l’ipséité, et ce, dans la mesure exacte où le « soi » ne se maintient qu’en répondant à la requête de l’autre. Elle témoigne donc de ce que l’ipséité s’accomplit par la médiation d’une altérité."

On n'a évoqué ici que le début de l'exposé de Marlène Zarader concernant la phénoménologie de la promesse dans l'oeuvre de Paul Ricoeur. Il faut lire en entier cet exposé, au moins comme introduction à la lecture un tantinet pus difficile de ces livres importants que sont Soi-même comme un autre et Parcours de la reconnaissance..

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  • Lire l'étude "Paul Ricoeur, la phénoménologie de la promesse", de Marlène Zarader, téléchargeable au format.pdf, sur le site Initiation philosophique de Henri Duthu : Lien
  • Lire la préface de Soi-même comme un autre et engager la lecture du livre : Lien
  • Signification du parcours de la reconnaissance cher Ricoeur par Olivier Abel, avec les thèmes notamment de la mémoire et de la promesse - durée 15 minutes, de 1 h 10' à la fin de la vidéo : Lien
  • Situer les grandes préoccupations Marlène Zarader : Lien
  • En écho à Paul Ricoeur, Raphaël Enthoven reçoit Elise Marrou (vidéo Arte du 16/04/09) pour explorer le thème de l'identité : Lien

mardi 18 novembre 2014

Marcel Proust : Promesse et mauvaise foi

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Par PERMI4

Pour exemplifier la citation de Gabriel Marcel :
Il n'y a donc d'engagement possible que pour un être qui ne se confond pas avec sa situation du moment et qui reconnaît cette différence entre soi et sa situation, qui se pose par conséquent de quelque façon comme transcendant à son devenir, qui répond de soi.
… et de son commentateur :
Si à l'inverse j'exagère le sentiment de ma contingence, de ma dépendance, voire de "mon instabilité intérieure", je réduis jusqu'à peut-être supprimer pour moi la possibilité de m'engager, de formuler une promesse.
il nous est loisible de nous reporter à Marcel Proust qui l’illustre littérairement de manière parfaite dans la peinture qu’il fait de Charles Morel (le protégé malhonnête du très cultivé mais très trouble baron de Charlus) alors que celui-ci s’apprête à épouser la nièce du giletier Jupien.
 L’enthousiasme vertueux à l’égard d’une personne qui lui causait un plaisir et les engagements solennels qu’il prenait avec elle, avaient une contrepartie chez Morel. Dès que la personne ne lui causait plus de plaisir, ou même, par exemple, si l’obligation de faire face aux promesses faites lui causait du déplaisir, elle devenait aussitôt de la part de Morel l’objet d’une antipathie qu’il justifiait à ses propres yeux, et qui, après quelques troubles neurasthéniques, lui permettait de se prouver à soi-même, une fois l’euphorie reconquise de son système nerveux, qu’il était, en considérant même les choses d’un point de vue purement vertueux, dégagé de toute obligation. [La Prisonnière, Folio classique, éd. 2011, p. 45]

Le lecteur de la Recherche sera d’autant plus inquiet du devenir de cette union qu’il n’a pas oublié que précédemment, dans Sodome et Gomorrhe, le même personnage avait, en don Juan cynique, confié à son protecteur ce qui suit :
«Voyez-vous, dit Morel, désireux d'exalter d'une façon qu'il jugeait moins compromettante pour lui-même (bien qu'elle fût en réalité plus immorale) les sens du baron, mon rêve, ce serait de trouver une jeune fille bien pure, de m'en faire aimer et de lui prendre sa virginité.» M. de Charlus ne put se retenir de pincer tendrement l'oreille de Morel, mais ajouta naïvement: «A quoi cela te servirait-il? Si tu prenais son pucelage, tu serais bien obligé de l'épouser. —L'épouser? s'écria Morel, qui sentait le baron grisé ou bien qui ne songeait pas à l'homme, en somme plus scrupuleux qu'il ne croyait, avec lequel il parlait; l'épouser? Des nèfles! Je le promettrais, mais, dès la petite opération menée à bien, je la plaquerais le soir même.» [Sodome et Gomorrhe chap. III, Folio classique, éd. 2012, p.396]
La promesse n’est plus dans un tel cas qu’un moyen, une fausse monnaie, pour faire de l’Autre le jouet de ses désirs en le laissant espérer ce qu’il ne recevra pas, en décevant son attente, en réduisant à néant la foi semée. Confiance est pour ce don Juan synonyme de naïveté, de crédulité. Le langage n’est plus ce qu’il veut dire, la partie use de dés pipés.

PERMI4
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  • Une analyse minutieuse de La Prisonnière sur l'excellent site d'André Vincens dédié à La Recherche : Lien
  • Lire en ligne La Prisonnière, de Marcel Proust : Lien
  • Ecouter ou réécouter en ligne sur France Inter l'une des nombreuses émissions concernant Marcel Proust. Par exemple "Proust et Camus", "Proust et Nietzsche", "Proust et Montaigne", "Raphaël Enthoven lecteur de Proust", "Julia Kristeva lectrice de Proust", "Nicolas Grimaldi lecteur de Proust"... Lien


samedi 15 novembre 2014

Maria Zambrano : la philosophie ne promet rien


On chercherait en vain chez Platon ou Aristote, chez Zénon ou chez Epicure, chez Plotin ou chez Proclus, une réflexion sur le thème de la promesse.

La chasteté de la philosophie a consisté, entre autres choses, à ne rien promettre ; rien à la vie personnelle, aux désirs les plus intimes.

Ainsi s'exprime Maria Zambrano, page 189 de son grand livre, L'Homme et le divin, dans ce style qui lui est propre, style toujours inattendu et néanmoins suprêmement cohérent...

Passons rapidement sur le terme "chasteté" (castidad), bien proche en espagnol de casticidad (pureté), qui joue pourtant dans le texte de Maria Zambrano un rôle décisif :
Le renoncement qui accompagne la pensée philosophique fut un renoncement à promettre et à entrer dans le monde de l'effroi.

La philosophie stoïcienne, comme après elle la pensée épicurienne, s'accordent à libérer la mouvement de l'esprit de la peur et de l'espérance. Toutes deux  "tinrent pour inexistant cet enfer que tout être vivant porte en lui, à l'intérieur de lui." L'effort de la raison tendait à construire la région neutre de l'apathéia., et toute réalité tend désormais à coïncider avec la pensée. "Rien de mieux protégé contre l'enfer que l'être".
Seul Platon, semble-t-il, côtoya ces abîmes infernaux en ne craignant pas ces espaces désert du non-être. Mais le non-être était toujours rapporté à l'être, sauf dans "ces choses" qui, dans le Parménide, apparaissent comme l'exemple de ce dont "il n'est pas d'idée" [...] Et ce dont il n'est aucune idée demeura, simplement, en marge de l'idée.

C'est le poème tragique qui, en regard de la philosophie, se charge alors de l'horreur. "L'horreur que produit le vide, le non-être sur la vie [...] qui affecte et dévore l'être ; le non-être doué d'activité."

A l'époque moderne et plus encore aujourd'hui, la "raison vitale", l'existentialisme libèrent la philosophie de ce "chaste renoncement aux enfers de l'être, de la connaissance des entrailles." En échange, la philosophie est contrainte de "descendre aux enfers inexplorés de la vie." En foi de quoi, elle se risque à promettre : une lucidité, une liberté, une créativité que rien ne borne, sauf la "résistance" - autre notion clé chez Maria Zambrano - qui caractérise le réel.

Maria Zambrano, L'Homme et le divin, trad. J.Ancet, Corti 2006.
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  • Maria Zambrano, la notice Wikipedia : Lien
  • Maria Zambrano, présentation en espagnol sur le site Centro Virtual Cervantes : Biographie, oeuvres, anthologie etc. Lien
  • Sur le site de R. Klapka Remue.net, 7 documents passionnants en français sur Maria Zambrano : Lien
  • Aux éditions José Corti, présentation des quatre oeuvres éditées par la maison : Lien