On chercherait en vain chez Platon ou Aristote, chez Zénon ou chez Epicure, chez Plotin ou chez Proclus, une réflexion sur le thème de la promesse.
La chasteté de la philosophie a consisté, entre autres choses, à ne rien promettre ; rien à la vie personnelle, aux désirs les plus intimes.
Ainsi s'exprime Maria Zambrano, page 189 de son grand livre, L'Homme et le divin, dans ce style qui lui est propre, style toujours inattendu et néanmoins suprêmement cohérent...
Passons rapidement sur le terme "chasteté" (castidad), bien proche en espagnol de casticidad (pureté), qui joue pourtant dans le texte de Maria Zambrano un rôle décisif :
Le renoncement qui accompagne la pensée philosophique fut un renoncement à promettre et à entrer dans le monde de l'effroi.
La philosophie stoïcienne, comme après elle la pensée épicurienne, s'accordent à libérer la mouvement de l'esprit de la peur et de l'espérance. Toutes deux "tinrent pour inexistant cet enfer que tout être vivant porte en lui, à l'intérieur de lui." L'effort de la raison tendait à construire la région neutre de l'apathéia., et toute réalité tend désormais à coïncider avec la pensée. "Rien de mieux protégé contre l'enfer que l'être".
Seul Platon, semble-t-il, côtoya ces abîmes infernaux en ne craignant pas ces espaces désert du non-être. Mais le non-être était toujours rapporté à l'être, sauf dans "ces choses" qui, dans le Parménide, apparaissent comme l'exemple de ce dont "il n'est pas d'idée" [...] Et ce dont il n'est aucune idée demeura, simplement, en marge de l'idée.
C'est le poème tragique qui, en regard de la philosophie, se charge alors de l'horreur. "L'horreur que produit le vide, le non-être sur la vie [...] qui affecte et dévore l'être ; le non-être doué d'activité."
A l'époque moderne et plus encore aujourd'hui, la "raison vitale", l'existentialisme libèrent la philosophie de ce "chaste renoncement aux enfers de l'être, de la connaissance des entrailles." En échange, la philosophie est contrainte de "descendre aux enfers inexplorés de la vie." En foi de quoi, elle se risque à promettre : une lucidité, une liberté, une créativité que rien ne borne, sauf la "résistance" - autre notion clé chez Maria Zambrano - qui caractérise le réel.
Maria Zambrano, L'Homme et le divin, trad. J.Ancet, Corti 2006.
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- Maria Zambrano, la notice Wikipedia : Lien
- Maria Zambrano, présentation en espagnol sur le site Centro Virtual Cervantes : Biographie, oeuvres, anthologie etc. Lien
- Sur le site de R. Klapka Remue.net, 7 documents passionnants en français sur Maria Zambrano : Lien
- Aux éditions José Corti, présentation des quatre oeuvres éditées par la maison : Lien
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