Albert Camus, dans le Mythe de Sisyphe serait-il épicurien ? Serait-il stoïcien ? Il pourrait le sembler tout à tour.
" L'épicurien se choisit les situations, les personnes et même les événements qui cadrent avec sa constitution intellectuelle extrêmement irritable, il renonce à tout le reste - c'est-à-dire à la plupart des choses - puisque ce serait là pour lui une nourriture trop forte et trop lourde."
" Le stoïcien, au contraire, s'exerce à avaler des cailloux et des vers, des tessons et des scorpions, et cela sans en avoir le dégoût ; son estomac doit finir par être indifférent à tout ce qu'offre le hasard de l'existence... Et il aime à avoir un public d'invités au spectacle de son insensibilité, dont se passe volontiers l'épicurien.: celui-ci n'a-t-il pas un "jardin ?"
Par ailleurs, faut-il comprendre qu'aux yeux de l'auteur, "Le Mythe de Sisyphe" constituerait en lui-même un "manuel du bonheur" ? A la réflexion, je ne le crois pas. La rédaction de ce "manuel" est une tâche qui apparaît comme nécessaire à celui qui, comme Camus, accepte de voir en face, sans faux-fuyants, l'absence de réponse que le monde oppose à la requête de l'homme concernant sa signification (l'expérience de l' "absurde"). De cette tâche, Le Mythe de Sisyphe pourrait être la prémisse, mais rien n'indique qu'elle puisse aboutir prochainement : tout laisse penser au contraire que c'est une tâche infinie - à la Sisyphe - qui de génération en génération, est destinée à réveiller, à stimuler, à redresser l'homme résigné, dans sa lucidité et ses solidarités.