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vendredi 20 juin 2014

Michel Foucault, de la biopolitique à la gouvernementalité libérale

Les Archives Michel Foucault (IMEC) proposent le cours de Michel Foucault au Collège de France de janvier à avril 1979, sous le titre Naissance de la biopolitique, en 22 enregistrements écoutables en ligne : Lien . Extrait de la présentation : 
« Après avoir montré comment l’économie politique, au XVIIIe siècle, marque la naissance d’une nouvelle raison gouvernementale, Michel Foucault entreprend l’analyse des formes de cette « gouvernementalité » libérale. Il s’agit de décrire la rationalité politique à l’intérieur de laquelle ont été posés les problèmes spécifiques de la vie et de la population : « Étudier le libéralisme comme cadre général de la biopolitique ».
Ce cours reprend la genèse du « pouvoir sur la vie » dans l’émergence duquel, au XVIIIe siècle, Foucault voyait une « mutation capitale, l’une des plus importantes sans doute, dans l’histoire des sociétés humaines ».

Pour autant, l’analyse des conditions de formation de la biopolitique, s’efface-t-elle au profit de celle de la gouvernementalité libérale "...

Ce cours a été publié par Le Seuil, en 2004, sous le titre Sécurité, territoires, populations

"Gouvernementalité", un concept pressenti par les Lumières ?

Les prémices du glissement entre souveraineté et gouvernementalité ne se lisent-elles pas ainsi qu’on peut le voir historiquement entre Jean Bodin et Cesare Beccaria ?
En effet, de Jean Bodin à la Renaissance [1] à Cesare Beccaria  au XVIIIe s. il y a amorcé à première analyse ce passage de la souveraineté à la gouvernementalité. Pour Bodin (Les six livres de la République,  I, 10, p.309)-, le souverain se distingue entre autre chose par « la puissance de donner loy à tous en general, et à chacun en particulier […] sans le consentement de plus grand, ni de pareil, ni de moindre que soy » (sic, p.306).Chez Beccaria [2] (chapitre 3, Conséquences), quelle que soit l’origine de la loi, qu’elle émane du souverain et/ou d’une quelconque assemblée légiférante, tous doivent s’y soumettre à tous les échelons de la société, «chaîne, qui descend du trône jusqu'à la cabane » (ibid.) et notamment les magistrats qui ne doivent qu’appliquer la loi sans l’interpréter aucunement ; en effet, « les juges criminels ont donc d'autant moins le droit d'interpréter les lois pénales qu'ils ne sont point eux-mêmes législateurs » (ibid. chap. 4, De l’interprétation des lois. Beccaria est lecteur de Montesquieu) ajoutant plus loin : « Rien de plus dangereux que cet axiome reçu - Il faut consulter l'esprit de la loi. » (ibid.) ce qui est pour le juriste la voie à tous les errements de la subjectivité.                          

On pourrait conclure de cet aperçu à
un glissement d’un souverain de plein pouvoir chez Bodin à une souveraineté mise au rang par la loi qu’elle a ou non édictée chez Beccaria (passage de l’édit à la loi d’émanation parlementaire, ce qui équivaudrait dans notre république, toute proportion gardée, au projet de loi d’une part et à la proposition de loi d’autre part, hors considération des prérogatives propres au chef de l’Etat dans la constitution de la Ve République.)

PERMI4

[1] Souveraineté, droit et gouvernementalité. A partir des Six Livres de la République de Jean Bodin (Fayard, Corpus des œuvres de philosophie de langue française, 6 vol, 1986) de Thomas Berns, Chargé de recherches au FNRS, Centre de Philosophie du Droit de l’Université Libre de Bruxelles Voir en ligne : Lien

[2]
Traité des délits et des peines, 1764 (traduit peu après en français ; en libre consultation sur Gallica et autres sites, outre les éditions papier)

Autorité, gouvernementalité, et 'Surveiller et punir', de Michel Foucault

Je ne sais si je suis là dans le droit fil du concept foucaldien. Je ne suis ni philosophe ni historien.

 Il me semble cependant que le glissement de l'absolutisme au régime parlementaire, quelle que soit sa forme, va de l'assujettissement à l'implication par ne serait-ce que le droit de vote ; et que le plus de liberté formelle consentie au citoyen par rapport au sujet se paye, progressivement, par une défiance des instances étatiques vis à vis de ce même citoyen aux plus grandes prérogatives. Je parle là du citoyen ordinaire, non délinquant au regard de la loi. 


Ce n'est plus aujourd'hui la prison de type panoptique qui seule va enfermer l'individu et le faire surveiller par un nombre restreint de fonctionnaires. C'est également tout un chacun qui se trouve pris dans les filets qu'on a ouverts devant ses pas que sont, non seulement les cartes d’identité à puce mais également et entre autres les téléphones portables (repérage par GPS permettant des frappes par drones, engins manipulés par un anonyme depuis un bureau non situable géographiquement), que sont les réseaux dits "sociaux" et ce qu'il en est fait à grande échelle (Google, RSA, etc.)
 

Je pense que Foucault aurait de nos jours étendu son analyse selon ces évolutions et modifié ce que j'ai compris de Surveiller et punir: on n'en est plus à une volonté culpabilisatrice du seul individu emprisonné ni à une simple surveillance policière de délinquants ou des foyers de délinquance mais au stade où tout citoyen est présupposé coupable (avant d’être présumé tel) et que c'est à ce titre que tous sont fichés, ce qui est présenté comme censé garantir la sécurité de vous et moi. 

  Réactions en retour de personnes à qui on explique ce système de surveillance absolue : Que m'importe si je n'ai rien à me reprocher ? -- Comme si croire encore de nos jours qu'on est soi-même l’unique juge de ses propres actions, de l'adéquation de notre personne aux critères socialement admis, et qu’on est pleinement assuré de nos droits et du premier, la liberté... On a vu dans le passé le retournement de l’histoire contre telle ou telle partie de la population, quelle qu’ait été son état d’intégration. Certain parti de nos jours travaille à stigmatiser les uns ou les autres en entrainant derrière lui une modification des mentalités. Là se fait, via les média, la modification des esprits.


PERMI4

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  • Gouvernementalité : une définition succincte sur Wikipedia : Lien
  • Vidéo de 4 mn, un document INA : Michel Foucault à Louvain, en 1988, expliquant ce qu'il entend par gouvernementalité Lien
  • Dans l'excellente revue Le Portique, un article de Pierre Lascoumes, "La gouvernementalité :de la critique de l'Etat aux technologies du pouvoir" (2004). Lien . En voici le résumé :
"Michel Foucault a eu un rôle majeur dans le déplacement des théorisations de l’État en s’écartant des débats sur sa nature et sa légitimité et en privilégiant la réflexion sur ses pratiques. C’est ce qu’il nomme la gouvernementalité qui est un mode spécifique d’exercice du pouvoir. L’article retrace les origines de cette approche et les dimensions qu’elle conduit à investiguer ; il situe cette notion par rapport au mode d’analyse du pouvoir chez cet auteur."
"Une application est donnée avec l’analyse de ce que Foucault nomme «l’instrumentation » ; c’est le choix et les effets des techniques d’action publique comme la statistique ou la planification. Elle montre les effets propres aux instruments indépendamment des intentions initiales, mais aussi les rapports politiques qu’ils induisent."