vendredi 20 juin 2014

"Gouvernementalité", un concept pressenti par les Lumières ?

Les prémices du glissement entre souveraineté et gouvernementalité ne se lisent-elles pas ainsi qu’on peut le voir historiquement entre Jean Bodin et Cesare Beccaria ?
En effet, de Jean Bodin à la Renaissance [1] à Cesare Beccaria  au XVIIIe s. il y a amorcé à première analyse ce passage de la souveraineté à la gouvernementalité. Pour Bodin (Les six livres de la République,  I, 10, p.309)-, le souverain se distingue entre autre chose par « la puissance de donner loy à tous en general, et à chacun en particulier […] sans le consentement de plus grand, ni de pareil, ni de moindre que soy » (sic, p.306).Chez Beccaria [2] (chapitre 3, Conséquences), quelle que soit l’origine de la loi, qu’elle émane du souverain et/ou d’une quelconque assemblée légiférante, tous doivent s’y soumettre à tous les échelons de la société, «chaîne, qui descend du trône jusqu'à la cabane » (ibid.) et notamment les magistrats qui ne doivent qu’appliquer la loi sans l’interpréter aucunement ; en effet, « les juges criminels ont donc d'autant moins le droit d'interpréter les lois pénales qu'ils ne sont point eux-mêmes législateurs » (ibid. chap. 4, De l’interprétation des lois. Beccaria est lecteur de Montesquieu) ajoutant plus loin : « Rien de plus dangereux que cet axiome reçu - Il faut consulter l'esprit de la loi. » (ibid.) ce qui est pour le juriste la voie à tous les errements de la subjectivité.                          

On pourrait conclure de cet aperçu à
un glissement d’un souverain de plein pouvoir chez Bodin à une souveraineté mise au rang par la loi qu’elle a ou non édictée chez Beccaria (passage de l’édit à la loi d’émanation parlementaire, ce qui équivaudrait dans notre république, toute proportion gardée, au projet de loi d’une part et à la proposition de loi d’autre part, hors considération des prérogatives propres au chef de l’Etat dans la constitution de la Ve République.)

PERMI4

[1] Souveraineté, droit et gouvernementalité. A partir des Six Livres de la République de Jean Bodin (Fayard, Corpus des œuvres de philosophie de langue française, 6 vol, 1986) de Thomas Berns, Chargé de recherches au FNRS, Centre de Philosophie du Droit de l’Université Libre de Bruxelles Voir en ligne : Lien

[2]
Traité des délits et des peines, 1764 (traduit peu après en français ; en libre consultation sur Gallica et autres sites, outre les éditions papier)

1 commentaire:

  1. Intéressant, ces glissements et filiations. Au siècle des Lumières, il faudrait à coup sûr réinterroger Du Contrat social, de Jean-Jacques Rousseau (en ligne sur Meta Libri). Pour la renaissance, Le Prince de MachiaveL.. Pour le moyen âge, le De Regno de Thomas d'Aquin (en ligne), le Pastoral de Grégoire le Grand ...
    Cela dit, en ce qui concerne Michel Foucault, il est davantage sensible aux ruptures qu'aux glissements, moins à la théorisation qu'à l'événement que représente l'instauration de nouvelles pratiques

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