mardi 3 juin 2014

Ethique et commandement, judaïsme et christianisme

@ Sylvie
  • Il me semble évident que Derrida, Jankélévitch, Levinas vivent dans un monde où le concept de "commandement" rapporté à l'éthique a un sens. Les deux premiers (c'est mon hypothèse) parce qu'ils sont lecteurs d'Augustin, qui déploie tout une phénoménologie du rapport de l'impératif au commandement ? (Et de Rousseau, lui-même lecteur d'Augustin...?)
  • Levinas, lui, sans être à proprement parler talmudiste, participe d'une culture hébraïque moins familière à Derrida et Jankélévitch. Cela donne Difficile liberté (1963, 1976) sous-titré Essais sur le judaïsme. Avec en épigraphe : " "Liberté sur les tables de pierre"... Traité des principes, 6.2". Le commandement comme signe, comme surgissement de la liberté. Cela donne aussi les Lectures talmudiques, dont la première (1963 ?) porte sur le pardon. Levinas écrit notamment : "Personne ne peut pardonner, si le pardon ne lui a pas été demandé par l'offensant, si le coupable n'a pas cherché à apaiser l'offensé." (Apaiser est en effet le mot clé de la Michna dans ce passage.) -- On est bien proche de Jankélévitch (qui après tout avait peut-être bien lu, ne serait-ce que dans sa traduction française, le Traité des pères.)
  • Quoi qu'il en soit, il est évident selon moi que Derrida, comme Jankélévitch, aussi bien que Levinas ont une approche très informée et sans tabou du christianisme. Mais il me semble néanmoins que leur approche de la littérature judaïque et chrétienne est très différenciée et, en un sens, très critique. En outre, la diatribe de Jésus sur le double commandement suprême, qui résume "toute la loi et les prophètes", porte sur deux citations, du Deutéronome et du Lévitique : c'est un débat entièrement pharisien, un débat qu'on pourrait dire (si certains anachronismes ont un sens), pré-talmudique.
  • Pour conclure, je pense qu'il n'est pas possible de dire que le message de Jésus de Nazareth passionne particulièrement tel ou tel de nos trois penseurs, comme il passionne Simone Weil. Mais bien sûr, tout cela serait à vérifier et à approfondir.
* * *
 Le pardon, l'oubli, l'apaisement.

@ Jean-Claude - L'interrogation pardon et/ou oubli, ne peut cesser d'être soulevée.

Mais remarquons que Levinas, dans sa première Lecture Talmudique, nous suggère un troisième terme, qu'il tire de la Michna : l'apaisement. Ce n'est pas un moyen terme, Ce n'est pas une solution. Ce serait plutôt un tiers inclus, dont il faudrait scruter l'étrange physionomie qu'il confère à son environnement moral.
Un point, selon moi, à creuser.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire