mardi 10 novembre 2015

Svetlana Alexievitch, quelle dimension métaphysique ?

Étonnante Svetlana Alexievitch... L'écrivaine biélorusse d'expression russe et prix Nobel de littérature 2015 accorde à Julie Clarini et Benoît Vitkine pour Le Monde un entretien, paru dans le numéro du 7 novembre 2015. Son œuvre commence en 1978, elle a alors une trentaine d'années,  par La Guerre n'a pas un visage de femme, livre fondé sur des témoignages de femmes sur la seconde guerre mondiale. Elle prend alors conscience d'une idéologie soviétique encore très puissante, et son second livre Les derniers témoins porte, lui, sur le témoignage de ceux qui alors étaient enfants : concernant la guerre, 'les témoins les plus impartiaux". Puis elle s'intéresse à l'Afghanistan pour recueillir le témoignage de jeunes combattants, de veuves et de parents de soldats morts (Cercueils de zinc), au désastre de Tchernobyl ' (La Supplication)... Et son projet prend sa forme définitive dans La Fin de l'homme rouge, prix Médicis essais 2013.... Quelques glanes

La liberté


"La liberté, c'est un travail long et pénible"... Or "les révolutions doivent être faites par des gens libres", faute de quoi ce sont les larmes et le sang qui sont au pouvoir. Formellement libéré d'un régime totalitaire, l'homo sovieticus persiste et se renforce, notoirement consolidé par de nouveaux régimes autoritaires développant une mentalité d'assiégés, et régnant par la puissance des armées et des religions nationales.

Le mal


"On aimerait que le mal soit une chose simple : Beria, Staline... Mais le mal est quelque chose de plus diffus, d'éparpillé en chacun de nous. C'est pour cela que j'écris [...] pour que chacun cherche en lui-même sa part d'humanité et apprenne à la préserver. Ce sont des choix de chacun à chaque instant"...

Une portée métaphysique ?


Svetlana Alexievitch estime que c'est une dimension essentielle de son oeuvre. "Je mets les gens devant un gouffre : qui sont-ils ? Qu'ont-ils fait ? C'est à ces questions qu'ils répondent."

LECTURE... 


A l'évidence, la pensée de Svetlana Alexievitch porte le poids de tout une époque. Dans sa philosophie pratique, la liberté n'est pas une donnée immédiate - ou bien pourrait-on peut-être dire plus justement que le donné immédiat de la liberté nécessite d'être repris socialement et politiquement, et transformé. La liberté est à l'épreuve de la durée, de l'interlocution, de l'interpersonnel, et sa dimension collective a besoin d'être expérimentée pour autant qu'elle est vécue. En tant qu'expérience, elle ne cesse jamais d'être une expérience, ne quittant à aucun moment, ou qu'en apparence, le rivage du risque.

Si peu sartrienne qu'elle semble, par conséquent, dans son approche de la liberté, il est d'autant plus frappant qu'elle rejoigne l'auteur de L’être et le néant dans sa compréhension de la dimension métaphysique de l'homme, constitutive le l'être de l'homme en tant qu'être indéfectiblement moral.
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  • Écouter les entretiens "A voix nue" diffusés sur F.Culture en 2005. Lien :
  • Site personnel de Svetlana Alexievitch (russe - anglais) : Lien
  • Svetlana Alexievitch dans Wikipédia : Lien
  • Voir La supplication sur la scène du Théâtre du Nord en 2012 (120 minutes) : Lien

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