vendredi 26 juin 2015

'Multiculturalisme' de Charles Taylor

Par Jean-Marc Parodi

De par son travail sur la Chine, François Jullien est plongé dans le dialogue des cultures. La question de l’universel se pose à partir de cette topique.
Charles TAYLOR pose la même question mais avec une autre entrée. Il étudie la montée de l’individualisme occidental, la sécularisation et l’éclatement des identités, bref la formation de l’identité moderne. Avec Axel HONNETH, il travaille la question de la nécessaire reconnaissance dont a besoin l’individu. Sa thèse est que « notre identité est partiellement formée par la reconnaissance ou par son absence, ou encore par la mauvaise perception qu’en ont les autres » (Multiculturalisme, 1992, trad. 1993, p.41). «  La reconnaissance n’est pas simplement une politesse que l’on fait aux gens : c’est un besoin humain vital » (p.42) 

Pour lui, deux changements majeurs sont à considérer :

A - « Le premier est l’effondrement des hiérarchies sociales qui avaient pour fondement l’honneur. A côté de cette notion d’honneur on a la notion moderne de dignité, utilisé à présent en un sens universaliste et égalitaire » (p.43).
B - « Toutefois l’importance de la reconnaissance a été modifiée et intensifiée par la nouvelle conception de l’identité individuelle qui apparaît à la fin du XVIIIème siècle. On pourrait parler d’une identité individualisée » p.44).
La conjonction de ces deux changements « a rendu inévitable la préoccupation moderne d’identité et de reconnaissance » (p.43).

Mais ces deux tendances produisent une contradiction :

A’ - « Avec le passage de l’honneur à la dignité est venue une politique d’universalisme mettant en valeur l’égale dignité tous les citoyens, et le contenu de cette politique a été l’égalisation des droits et des attributions » (p.56).
B’ - « Au contraire, le second changement, a donné naissance à une politique de la différence. Tout le monde devrait être reconnu en fonction de son identité unique » (p.57).
« Ces deux politiques, toutes deux fondées sur la notion de respect égal, entrent en conflit. Pour l’une, le principe de respect égal implique que nous traitions tout le monde en étant aveugles aux différences » p. 62). « Pour l’autre, on doit reconnaître et même favoriser la particularité » (p.63).
« Le reproche que la première fait à la seconde est de violer le principe de non-discrimination. La seconde reproche à la première de nier toute identité en imposant aux gens un moule homogène qui ne leur est pas adapté ».
Mais le reproche des seconds va plus loin. La prétention à une forme de neutralité des principes de dignité politique aveugles aux différences est, en fait, le reflet d’une culture hégémonique. « Tel qu’on le voit fonctionner, seules les minorités ou les cultures supprimées sont contraintes (p.63) de prendre » la qualification d’étrangères. Sous couvert de neutralité, « un particularisme occidental se déguise en principe universel » (p.64).
Bref « il doit exister une voie moyenne entre – d’un côté – la demande inauthentique et homogénéisante pour la reconnaissance d’égale valeur, et – de l’autre - l’enfermement volontaire à l’intérieur de critères ethnocentriques » (p.97). Tel est le dessein de Charles Taylor.
Jean-Marc Parodi
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  • Multiculturalisme, un résumé sur le site de Sciences-Po : Lien
  • Charles Taylor sur Wikipédia : Lien
  • Une présentation de la pensée de Charles Taylor : Lien

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