mercredi 29 avril 2015

Le devoir de mémoire et le pardon


Par Alceste Benjamin

L’exposé sur la mémoire et le pardon par le professeur Marc Crépon (*) m’a poussé à bien des réflexions. C’est ainsi il m’arrive de tomber sur ce livre, Le devoir de mémoire et les politiques du pardon (**). En effet, dans ce livre se trouvent insérés les actes d’un colloque tenu à l’Université du Québec à Montréal en octobre 2004. Les Panélistes ont passé en revue les œuvres de Levinas, Jankélévitch, Derrida…et Ricœur. Par la suite, ils ont recouru à d’autres considérations.

Pour l’intervenant Ali Moussa Iye (UNESCO), « ce ne sont pas seulement les sociétés brisées par un traumatisme politique daté qui peuvent ici nous guider, ce sont toutes les sociétés, y compris celles qui portent le lourd atavisme du colonialisme ou de l’esclavage, qui rendent nécessaire l’adoption d’un nouveau regard sur la justice des générations ». Ici, M. Ali Moussa Iye touche la plaie du doigt. Les membres de certaines sociétés ont du mal à trouver une manière de « vivre ensemble », c’est la conséquence logique du passé colonial.

Certains intervenants du colloque ne se retrouvent pas trop dans l’expression devoir de mémoire. « Plutôt que de devoir de mémoire, s’interroge Ali Moussa Iye, ne faut-il pas plutôt parler de « travail de mémoire » qui permettrait mieux d’intégrer cette obligation éthique dans l’histoire vivante… ». Selon lui, « la notion de travail de la mémoire suggère la dynamique sous-jacente aux choix idéologiques que font les divers acteurs sociaux quant aux rapports sociaux à privilégier et aux rapports de pouvoir à analyser et à dénoncer (entre majorités et minorités racisées, entre minorités elles-mêmes, au sein des minorités) dans une société concrète.

Déchiffrant tous les compartiments du livre, M. Ali Moussa Iye a titré ainsi son chapitre, « le discours de la mémoire face à la tragédie de la traite négrière ». Il affirme, « L’abus de mémoire ou l’obsession commémorative dont certains parlent ne concerne pas la traite negrière. Un long silence continue de couvrir cette tragédie qui fut pourtant une des premières formes de mondialisation et qui eut un impact génétique, économique, socioculturel considérable… ».

Comme l’a si bien souligné le professeur Crépon, le devoir de mémoire est une expression très problématique. Dans la même veine, M. Ali Moussa Iye n’est pas au bout ses interrogations, « l’indignation face aux crimes abominables joue-t-elle de la même manière pour tous les crimes de l’histoire. Y aurait-il un traitement inégal des mémoires douloureuses dans les sociétés ? Le devoir de mémoire que l’on élève au state de l’éthique est-il dépendant des rapports de pouvoir au sein d’une société ? La traite négrière répond elle à un registre spécifique qui expliquerait le silence dont elle fait l’objet ? »

Comme vous pouvez remarquer, le livre m’a permis d’approfondir le sujet traité par le professeur Crépon, « Levinas, Jankélévitch, Derrida : la mémoire et le pardon ».

Alceste Benjamin.
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(*) Les problèmes métaphysiques à l'épreuve de la politique, printemps 2015.
(**) Micheline Labelle, Rachad Antonius, Georges Leroux, Le devoir de mémoire et les politiques du pardon, Presses de l'Université du Québec, 2005
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