Lire les textes de Sartre (*) proposés par l'équipe du cours [Frédéric Worms, Marc Crépon...], m'aura permis de comprendre comment la notion de métaphysique peut être envisagée dans une perspective athée.
La recherche de vérités métaphysiques ne relie plus à un projet divin les objets qu'elle se donne. Elle se contente de faire état du mystère de l'expérience humaine, dans son rapport avec le monde, l'"être-en-soi", qui lui échappe. Elle n'a plus besoin de croire en Dieu pour faire de cet "appel de l'infini" la réalité profonde de l'existence.
Mieux, le délaissement de Dieu permet à l'homme d'appréhender la réalité telle qu'elle se présente, c'est-à-dire insensée a priori ; le met au centre du projet humain, le rend responsable de son destin et de celui de ses semblables. Ce constat angoissant est aussi celui qui donne à l'humanité sa dignité. Chacun des individus qui la compose représente une conscience libre, capable de me reconnaître aussi comme libre, et, comme moi, de modifier le monde dans des situations toujours singulières, dans un dépassement permanent du risque fondamental de désagrégation.
La métaphysique retrouve ses "piliers" conceptuels : la transcendance (la conscience est fondamentalement extérieure au monde, mais elle ne le laisse pas intact) et l'universel (l'intersubjectivité des consciences se permettent mutuellement l'existence). Ici, le concept de métaphysique est non seulement toujours pertinent pour la période qui nous intéresse, mais il est surtout indispensable pour conserver l'idée d'une condition commune aux hommes et conférer un sens à leur action.
L'idée est séduisante. Parce qu'elle permet de penser l'homme dans son rapport avec l'absurde, comme investi d'une mission toujours renouvelée quant à l'invention du concept censé le définir. Elle restitue un sens à l'action en offrant à l'existence humaine un schéma métaphysique parfaitement capable de prendre la place de l'ancien : celui de la vérité révélée, du projet Divin en l'homme.
Mais quand l'idée prend forme, qu'elle doit convaincre des hommes de vivre pour elle (faire la révolution en son nom par exemple), résiste-t-elle longtemps aux désirs de réduire l'autre à sa dimension d'objet ? aux exigences des instincts de domination régulant aussi les rapports entre individus ? à la "mauvaise foi" généralisée ? Comment peut-elle prétendre à la pratique si la réalité lui donne continuellement tort ? Je crois qu'on retrouve ici justement le propos général de ce cours (**).
Hugo Chièze
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(*)Jean-Paul Sartre, L’être et le néant, Paris, Gallimard, 1943. - Jean-Paul Sartre, Situations V. Colonialisme et néo-colonialisme, Paris, Gallimard, 1964.
(**) Les problèmes métaphysiques à l'épreuve de la politique, 1943-1968, édition 2015
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