vendredi 17 avril 2015

'Surveiller et punir' de Michel Foucault, une lecture personnelle

Par Tung-Lam Dang

 Pouvoir


Ce qui me frappe chez Foucault, c'est son analyse du pouvoir. Il dit que le pouvoir n’est pas la propriété d’une classe qui l’aurait conquis (c'est-à dire la bourgeoisie, selon l'orthodoxie marxiste),   mais une stratégie qui ne se définit qu’à travers les modalités de son exercice : le pouvoir « s’exerce plutôt qu’il ne se possède ». Les manifestations du pouvoir ne sauraient se rapporter à un État centralisateur.

Style et épreuve


J'apprécie beaucoup le style de Foucault. Après des semaines a lire de Heidegger ou Lévi-Strauss, la prose de Foucault est rafraichissante. Enfin, du bon français. On pense a Boileau et son Art poétique: "Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement." Pas d'alphabet grec, pas de termes latins, pas d'anglicismes (abus du gérondif), pas de germanismes (abus du participe présent), pas de néologismes à profusion (quelqu'un a nommé Derrida?)... Une prose limpide, on dirait même scientifique ou juridique.

Pourtant lire Surveiller et punir donne la nausée. Pas la nausée philosophique, mais la réaction du corps a quelque chose de dégoûtant. Foucault est impitoyable, comme un professeur d'anatomie qui empoigne les viscères d'un cadavre disséqué, poussant les nouveaux carabins (étudiants en médecine) à l'évanouissement. Les chapitres sur le supplice sont durs a lire. Quand il parle de supplice, Foucault amène le lecteur a 30 centimètres du supplicié. Les termes métaphysiques sont compliqués, mais ici la compréhension peut être au niveau du signifié, pas au niveau du décodage du signifiant.

Métaphysique et politique



Foucault parle d'épreuve, de la torture ou de la question comme épreuve. Est-ce là l'inspiration de ce cours ? Dans la question, ou la torture judiciaire, il y a duel. Le patient (on appelait ainsi le supplicié) "gagne" s'il n'avoue pas ; il "perd" s'il le fait. Mais les problèmes métaphysiques "gagneraient" l'épreuve de la politique si quoi ?

On pourrait postuler que la métaphysique gagnerait si il y avait changement de politique. Alors, ce grand "renversement" de la pensée punitive, cette grande "différence" qui a conduit a l'abandon du supplice - je comprend maintenant comment la guillotine pouvait être conçue comme un instrument de grâce et de merci - de quelle métaphysique était-ce?

Torture, rotin, anthropophagie


Je me souviens aussi du petit débat sur l'anthropophagie. Mais alors que se pratiquait-il en Occident il y a a peine deux siècles avec cette philosophie punitive ? Les structures de la pensée juridico-punitive qui y ont conduit se sont-elles perpétuées ? Car comme on sait les structures de la société se conservent. Je me souviens il y a quelque années l'émoi mondial devant la révélation que la police de Singapour punissait a coups de rotin. Mais que révèle donc cet examen de la pratique punitive occidentale, qui a perduré pour quelques générations après le marquis de Sade?

Bien de questions, et je suis content de les avoir entrevues à travers Foucault et ce cours. (*)

Tung-Lam Dang
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 (*) Les problèmes métaphysiques à l'épreuve de la politique.
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  • Surveiller et punir, article de Wikipedia : Lien
  • Michel Foucault, Surveiller et punir, une vidéo de 8 min : Juge et police, humanité, panoptique, usage du temps : Lien

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