dimanche 21 septembre 2014

En 1968, la pensée de Herbert Marcuse livrée au grand public


En septembre 1968, la revue bimestrielle Planète qui depuis huit ans exploite non sans brio la veine controversée du "réalisme fantastique", publie le n°1 d'une nouvelle série. Cette mue, Louis Pauwels son directeur, journaliste et auteur avec Jacques Bergier du Matin des magiciens paru en 1960, l'accompagne d'un éditorial où il déclare mesurer l'importance de la révolte étudiante survenue en Mai.

C'est ainsi que cette livraison relègue au second plan l'alchimie, les sociétés secrètes, les civilisations disparues, les religions, les sciences occultes, l'ésotérisme qui avaient nourri les huit premières années. Et qu'elle donne sur Herbert Marcuse une étude de douze pages rédigée par un psychosociologue nommé Robert O'Neill. Cette lecture s'appuie pour l'essentiel sur les deux livres de Marcuse les plus lus en France à cette époque, Eros et civilisation et L'Homme unidimensionnel. Sous les dehors d'un soulèvement confus, celui de Mai 1968, "une société entière se remet en cause". En effet, "c'est la société elle-même qui engendre sa propre contradiction, germe de toute contestation."

L'honnêteté du compte-rendu n'est pas contestable. Mais il est important de remarquer que l’œuvre de Herbert Marcuse passe ici par le filtre de la psycho-sociologie. Un questionnement philosophique resterait à construire sur cette pensée... Le même numéro de Planète donne également à lire un dossier de trente pages sur Wilhelm Reich. Cette revue, dont l'ancrage est loin d'être à gauche, amorce-t-elle un virage décisif ?

Le second numéro de cette nouvelle série comportera, en effet, deux articles remarquables : un entretien avec Lanza del Vasto et un article sur le clergé catholique engagé dans la révolution en Amérique latine. Puis le "réalisme fantastique" reprendra le dessus... Dommage : la présentation au grand public de philosophes contemporains n'est pas si fréquente. En tout cas, Herbert Marcuse atteignait d'un coup, à l'automne 1968 et par un détour inattendu, un large public français non préparé, l'introduisant à une analyse de la société vigoureuse, soucieuse de cohérence et tournée vers l'action.
 
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  • Visionner L'Espoir du grand soir, six vidéos diffusées de 1970 à 1972 par la Télévision suisse romande : "Les trotskistes", "Les maoïstes", "Ni Dieu ni maître", "Hara-Kiri Hebdo", "Herbert Marcuse", "Ordre Nouveau" : Lien 
  • Lire un historique très factuel de la revue Planète : Lien

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