Effectivement, aller au Christ en sa sagesse, par la voie de la sagesse, semble un défi à ceux qui sont tentés de mettre l'appartenance ecclésiale (que Simone Weil paraît contourner, voire refuser) au centre du salut (dont elle n'a certainement pas la même conception). Mais la qualifier de gnostique est selon moi un contre-sens historique.
La qualifier de "mystique" est tout aussi inapproprié : du point de vue des théologiens, qui la rattachent ainsi à une tradition catholique à laquelle Simone Weil ne s'est que partiellement intéressée ; mais aussi du point de vue des philosophes, qui ont du mal à décrire simplement une pensée complexe - philosophe platonicienne, théoricienne de l'anarcho-syndicalisme et passionnément attachée à la figure christique, à laquelle elle associe les sagesses de la Grèce et de l'orient.
Pour avancer d'un pas, il faudrait considérer deux aspects :
- Du point de vue du gnosticisme historique, là est le contre-sens que j'évoque;
- Mais que le point focal de Simone Weil soit bien la connaissance (gnosis), connaissance de la réalité divine et humaine, cela est indéniable. Et c'est là sans doute que se noue l'unité de sa pensée : (non pas seulement dans sa référence alexandrine et platonicienne, mais aussi dans sa référence évangélique: Jean 17,3 : "La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent", etc.)
* * *
L'étude de Mehmet Aydin généreuse et bien informée. Son grand mérite est de tenter de ne rien séparer : vie et écrits -- écrits politiques, philosophiques et spirituels...
- Je regrette d'autant plus que la
problématique mise en avant -- même assortie d'un point d'interrogation -- soit quelque peu conventionnelle. L'hypothèse
gnostique s'appuie sur des arguments rabâchés depuis les années 50...
Certes, on trouve dans les notes de Simone Weil des phrases sur la
matérialité du mal, thème cathare ; sur le retrait du Créateur de sa
création, thème lourianique (qu'on retrouvera dans Hans Jonas)... Mais ici
qu'en faire ? Est-ce central ? Y-a-t-il là le moindre début d'une
explication de sa pensée ? Telles sont les principales questions que je poserais volontiers à l'auteur.
- A l'inverse, la remarque de Mehmet Aydin sur la théologie négative de Simone Weil pourrait nous replacer, elle, dans l'axe de sa pensée. Mais alors nous sommes en compagnie de Denys l'Aréopagite ou de Maître Eckhart, c'est à dire de grands platoniciens. Ou de Marsile Ficin, traducteur précisément de Platon, de Plotin, de Proclus... et d'Hermès Trismégiste...
A consulter, le très riche Cahier de l'Herne, qui vient de paraître, sur Simone Weil.
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