Ou bien je me trompe, ou bien Foucault accorde une faible importance, dans son analyse de l'évolution des peines, au facteurs compassionnels ou à l'effet miroir de la réflexion éthique, indéniables par ailleurs, dans la société libérale.
Indéniables, car qui pourrait nier par exemple le puissant mouvement d'opinion en faveur de l'abolition de la peine de mort, porté par la stature morale de Robert Badinter ?
Mais le thème directeur de Michel Foucault est plutôt, me semble-t-il, le contrôle des corps. Le passage de la torture a-systématique (dans l'ancien régime) à l'incarcération systématique à partir de la Révolution) semble marqué d'après-lui par un malentendu, celui du double contrôle des esprits : l'esprit du délinquant, qui eût été marqué par son isolement, et celui du public, par l'exemplarité de la peine. Du contrôle des esprit, d'abord idéal du nouveau régime, la pratique de l'incarcération systématique devient d'elle-même contrôle des corps de tout délinquant, grand ou petit. A l'intérieur de l'espace de détention (système panoptique de Bentham) comme à l'extérieur, où l'idéal devient celui de savoir où se trouve tout citoyen.
Pourquoi ? Foucault sauf erreur en cherche la raison dans la nature même du pouvoir politique...
* * *
Foucault me semble-t-il s'intéresse fondamentalement durant cette période aux mécanismes d'extension du savoir (le système de la folie) mis en oeuvre dans nos sociétés occidentales. Et à la prise de pouvoir sur les corps (l'enfermement) qu'ils supposent.
C'est "l'archéologie du savoir" qui apparaît comme l'outil le plus neuf qu'il nous propose : ni pure histoire, ni pure spéculation philosophique, Foucault articule les éléments de savoir négligés par le récit de la science (cf. le début de Surveiller et punir, sur les supplices) non pour rebâtir à neuf des diachronies (ce n'est pas une "contre-histoire" de la philosophie), mais un tableau des "sauts" dissimulés par l'évidence humaniste, et en chercher la signification. Le Groupe d'Information Prison sera pour lui porteur d'expérimentation.
Je ne pense pas que Foucault, en tant que philosophe, s'intéresse particulièrement aux gestes sympathiques ou antipathiques de tel personnage en vue - puisque "on ne détient pas le pouvoir, on l'exerce" ! Il réagit essentiellement, souligne le cours, à "l'intolérable"...
p.s. Un entretien intéressant sur : Lien
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