Nietzsche en donne un vif croquis au numéro 151 du Gai Savoir. Dans sa pensée, ce sont d'abord les "autres mondes", "infra-mondes" ou "mondes supérieurs" postulés par les représentations religieuses. Mais celles-ci, s'effritant ou disparaissant, laissent dans l'esprit une place vide qui est occupée par la métaphysique.
Il s'ensuit d'ailleurs, pour Nietzsche, que la métaphysique est l'héritière des religions, au lieu que comme le pensait Schopenhauer le besoin de métaphysique ait engendré celles-ci.
On peut dès lors se demander si Sartre, Camus, Merleau-Ponty, lorsqu'il opèrent à nouveau frais la critique des arrière-mondes, s'inscrivent-ils exactement dans ce schéma nietzschéen ?
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Mais puisque nous lisons Camus, je propose de conserver à "absurde" le sens que lui donne Camus. Lorsque l'homme, conscient de son monde, se met en quête d'un sens préétabli de son existence, il n'en trouve pas : c'est dans cette déception, dans ce rapport désaccordé que gît l'absurde. La signification de l'existence va naître de l'existence-même, dans l'exercice d'une liberté et d'une responsabilité. Le monde, "en soi", n'est pas absurde : c'est la demande de sens que l'homme formule qui le fait apparaître comme tel : requête excessive, excédant le monde comme donné. L'existence, en quelque sorte, laisse l'homme répondre pour l'homme. Ainsi, pour Camus comme pour Pascal, d'une certaine façon, "l'homme passe infiniment l'homme".
Je pense que pour Camus, une fois abandonnée l'illusion d'un "sens" déjà donné, ni le face à face avec le monde, ni la fraternité des hommes ne sont décevants.
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