lundi 2 juin 2014

Jean Cavaillès et les mathématiques comme 'révélatrices de nécessités'

Comment Jean Cavaillès pense-t-il les mathématiques ?

Sur l'allure de la pensée de Jean Cavaillès, sur les grandes lignes de sa démarche, on trouve quelques passages suggestifs dans son introduction à ses Remarques sur la formation de la théorie abstraite des ensembles (1938), qu'on pourrait peut-être, avec la plus grande prudence, mettre en relation avec ses engagements moraux et politiques :
  • La question des fondements :
"Aujourd'hui restrictions et scrupules passent au second plan, quoique le problème du fondement semble moins près que jamais d'une solution", déplore-t-il (p.26).
  • La question du généralisable et du champ d'application :
"Une méthode n'est pas isolable arbitrairement pour les besoins d'un problème. L'exigence même de sécurité oblige à le dépouiller de son vêtement accidentel, pris dans un cas particulier, à préciser les conditions nécessaires et suffisantes de son application. Si elle réussit avec certains ensembles, ce ne peut être qu'en vertu de propriétés définissables entre eux : il n'y aura de mathématique rigoureuse que lorsqu'on aura, par l'investigation même des procédés, défini le champ d'objets auxquels ils conviennent." (ibidem p.27)
  • Le lien dialectique à l'histoire :
"Le mathématicien n'a pas besoin de connaître le passé, parce que c'est sa vocation de le refuser : dans la mesure où il ne se plie pas à ce qui semble aller de soi par le fait qu'il est, dans la mesure où il rejette l'autorité de tradition, méconnaît un climat intellectuel, dans cette mesure seule il est mathématicien, c'est-à-dire révélateur de nécessités. Cependant, avec quels moyens opère-t-il ? L'oeuvre négatrice d'histoire s'accomplit dans l'histoire." (p.28)

Ainsi, à propos de la question de la théorie des ensembles initialisée par Cantor, Cavaillès montre que ces trois facteurs travaillent puissamment l'histoire des mathématiques, qui "progresse" inévitablement de mise à l'épreuve en mise à l'épreuve..,

Ne pourrait-on parler dès lors chez Cavaillès d'une "empreinte" de pensée, d'un "type" dont la projection dans le domaine moral et politique ne cesserait de faire du philosophe-mathématicien un "révélateur de nécessités" ?

A condition de marquer ce faisant, bien sûr, l'absolue indépendance de toute nécessité qu'engage une telle projection, un tel saut ?

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