lundi 2 juin 2014

Albert Camus, la terreur en question

A propos du thème "La terreur en question", je relis L'homme révolté (1951), où Camus traite longuement de la terreur.sous trois chefs :

          - "Le terrorisme individuel",
          - "Le terrorisme d'Etat et la terreur irrationnelle",
          - "Le terrorisme d'Etat et la terreur rationnelle".
  • Est-ce que je lis bien ? On a peine à discerner la problématique qu'il se propose de traiter dans cette section. Par "terreur irrationnelle", Camus désigne le mode de domination de l'hitlérisme et du fascisme italien. A propos de la "terreur rationnelle", nous sommes dans la prétention téléologique marxiste de l'Empire soviétique. La critique de ces régimes est vigoureuse, mais elle affecte davantage le ton du polémiste, de l'éditorialiste que Camus est devenu, pratiquant le "journalisme critique", que celui de l'analyste de l'histoire...
  • Le chapitre intitulé "La pensée de midi" mériterait une plus grande attention, bien que trop brièvement traité, et dans un style déroutant. Thierry Fabre *, analysant la "pensée de midi" comme pensée des limites, commente :
    "La pensée de midi est pour Camus un cap, une façon de retrouver une boussole dans un monde complètement déboussolé où l’homme est supposé se soumettre aux lois implacables de l’histoire.
    "La pensée de midi est un éloge de la mesure face à la démesure. Pensée solaire, inscrite dans les entrailles d’un grand héritage méditerranéen, elle n’est en rien une pensée tiède. Elle cherche au contraire à midi, moment de haute lumière, un équilibre fait de tension entre des pôles contradictoires.
    "La pensée de midi a pris forme, dans l’imaginaire de Camus, au sein de la constellation de figures qui ont compté pour lui : Jean Grenier, Friedrich Nietzsche, les tragiques grecs, René Char enfin, cette “haute et belle figure de la pensée de midi”."
    J'ajoute que Camus, par ailleurs, a pu trouver intérêt au Midi, fréquent dans la pensée de Nietzsche, "Midi, moment de l'ombre la plus courte".
  • Le livre s'achève par le chapitre intitulé "Au-delà du nihilisme", qui affirme le propos du livre : la révolte a besoin de la mesure pour s'achever. Chapitre à mi-distance, en effet, de René Char, et  de Nietzsche :
    "Il y a donc, pour l'homme, une action et une pensée possibles au niveau moyen qui est le sien. Toute entreprise plus ambitieuse se révèle contradictoire... Comment la société définirait-elle un absolu ? Chacun peut-être cherche, pour tous, cet absolu. Mais la société et la politique ont seulement en charge de régler les affaires de tous pour que chacun ait le loisir, et la liberté, de cette commune recherche. L'histoire... n'est qu'une occasion, qu'il s'agit de rendre féconde par une révolte vigilante."
Il faut lire ou relire à mon avis, malgré ses faiblesses, L'homme révolté". Michel Onfray ("L'ordre libertaire", p.366) y voit "un grand ouvrage libertaire", et moins lyriquement "une explication avec l'individualisme anarchiste." Mais peut-être une étude sur sa proximité avec l'oeuvre de Jean Grenier, son professeur de philosophie et dédicataire du livre, lui rendrait-elle davantage justice?

* - Fabre Thierry, « Camus et la pensée de midi », La pensée de midi 2/ 2010 (N° 31), p. 113-116 : Lien

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