Son mérite essentiel est d'évoquer d'un seul mouvement l’œuvre dans toute sa diversité, et la vie, dans ses événements significatifs. La lecture est précise, l'expression aisée - soit dit pour rassurer un lecteur peu familier de ces matières.
Bien sûr, on peut être moins réceptif à l'égard de certains jugements abrupts qui semblent en retrait de l'entreprise. Il est étonnant, en effet, non seulement qu'un chapitre de ce volume soit intitulé "Excès et errements"(p.101), mais encore qu'il traite de "La tentation de l'orgueil", parlant de "La position surplombante de l'élu" ou énonçant : "Simone Weil se savait prédestinée", et autres expressions étrangères à Simone Weil, ou distraites de leur contexte. Mais il serait mesquin d'évaluer l'ouvrage à cette aulne : cette manière professorale de juger n'est-elle la marque du zèle pédagogique ? Tenter de démêler en effet le "rejet du judaïsme" de la philosophe, l'anti-judaïsme irritant voire choquant de quelques textes fiévreux tardifs - anti-judaïsme exacerbé voire suscité par les lois iniques de Vichy, rappelons-le - met Florence de Lussy devant une interrogation irritante et difficile. Et l'auteure du Que sais-je ? ne se dérobe pas, qu'on apprécie ou pas la manière dont elle traite le sujet.
Mais par-dessus tout, l'autre grand mérite de Florence de Lussy est de chercher en tout la cohérence de l'oeuvre. Et elle y parvient dans une très large mesure, en observant dans cette dernière une "composition sur plans multiples" (p 5-8) selon une expression chère à Simone Weil. Trois axes, donc : la vérité, accessible au seul génie, c'est-à-dire à la puissance créatricee du sujet, et qui est "l'éclat de la réalité". L'égale dignité des êtres humains, conformément à l'enseignement de Descartes. Et l'attention, la notion clé, "l'oeil de l'âme", variant "selon qu'on essaie de concevoir les relations nécessaires qui composent [l'ordre du monde ou d'en contempler l'éclat"],(p.6) Attention, autrement dit méhode et rigueur, conformément enrore une fois à la leçon de Descartes. Enfin malheur et amour, "fortement corrélés", se mêlent à la recherche, à mesure que l’œuvre progresse. Et l'auteure de marquer (p.7) :
Telle est l'armure de la clé de cette immense "partition" aux mouvements si divers, qui est celle d'une vie autant que d'une pensée.
- Florence de Lussy, Simone Weil, Que sais je n°4037, septembre 2016. 9€ : Lien
- Une lecture de ce livre par C. Perragin : Lien
- L'édition des Œuvres complètes de Simone Weil chez Gallimard : Lien
- Quelques recherches récentes sur Simone Weil, rassemblées par F. de Lussy : Lien
- Simone Weil, conférence de François L'Yvonnet, audio 1h : Lien
- "Simone Weil par ceux qui l'ont connue" : Gustave Thibon, Jacques Perrin, Jacques Soustelle, Michel Serres, Maurice Schuman... Un film de 46 minutes : Lien
- Ecouter La Pesanteur et la grâce, audio 2 h : Lien
- Pierre Pachet et Patrick Hochard présentent L'Enracinement, de Simone Weil, vidéo de 2 h : Lien
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