Elie
BARNAVI . - Dix thèses
sur la guerre (Flammarion
2014)
Notes
de lecture de H.H. La guerre comme "institution
sociale et culturelle".
Historien,
ambassadeur d'Israël en France de 2000 à 2002, l'auteur s'exprime
en tant que citoyen et
soldat :
son propos est de partir, non des livres, mais de l'expérience
humaine et militaire qu'il a vécue. Dans chacune des dix thèses
exposées, un événement de son histoire personnelle sert de point
de départ pour évoquer un point de l'Histoire.
Il
y pose les questions humaines de base qui sont autant de défis
éthiques, juridiques, philosophiques.
Il
rappelle que l'histoire moderne d'Israël n'est qu'une longue suite
de guerres."Une
vieille et amère plaisanterie veut qu'Israël soit une armée qui a
un État", écrit-il. La
guerre fait partie intégrante de la vie des citoyens israéliens.
Elle est banalisée. Alors qu'en France, la guerre "est
une réalité étrange et terrible".
Après
avoir participé à la première guerre du Liban, Barnavi est
définitivement convaincu que l'occupation militaire
"finit
toujours par se retourner contre elle-même". Quant
à l'utilité de l'ONU, il a cessé d'y croire...
Première thèse : "L'État moderne est né de la guerre et par la guerre en 1948, et est en train de désapprendre la guerre" (p.21s)
Depuis
1948, les guerres s'y sont succédé : Sinaï en 1956, guerre
des Six-Jours en 1967, Kippour en 1973, Liban en 1982, sans compter
de nombreuses opérations militaires contre les Palestiniens. Le
conflit israélo-palestinien s'enrichit d'une dimension coloniale. Et
actuellement, d'une dimension religieuse (cf les guerres de religion
de l'Europe pré-westphalienne, 16e-17e siècles). Or,
Si on laisse faire les fous de Dieu, aucun compromis n'est envisageable. Deux mouvements nationaux peuvent aboutir à un arrangement raisonnable par la négociation, et donc le compromis ; deux mouvements intégristes en sont incapables, car la parole de Dieu ne souffre pas de compromis.
En
Europe, c'est la raison d'État qui a fini par l'emporter – celle
de Machiavel et Richelieu - c'est-à-dire l'État moderne, séculier
par définition. La
guerre a évolué : de la guerre « rationnelle » à
la guerre idéologique ; de la guerre entre États à la guerre
asymétrique (puissance militaire contre des organisations armées
non étatiques : c'est le cas de la guerre contre les
Palestiniens). "Elle
revêt une forte dimension culturelle : ethnie, religion,
mémoire historique" Les
guerres asymétriques ne pourront se conclure que par un "règlement
imposé"
(ce fut le cas du Kosovo).
Barnavi
observe le rôle « formateur » de la guerre :
Mieux que modeler les frontières, elle détermine le caractère des États : absolutisme de droit divin français ou monarchie parlementaire anglaise, jusqu'à ce que les traités de Westphalie de 1648 consacrent le triomphe de l'État territorial et mettent en place les conditions d'un ordre européen fondé sur l'équilibre des puissances.
La
donne change au sortir de la seconde Guerre Mondiale : "La
démocratie naît armée. La Liberté et la Nation sont des divinités
autrement plus exigeantes que la raison d'État".
Deuxième thèse : "La guerre est une expérience humaine extrême, laquelle requiert un conditionnement psychologique puissant de chacun des individus qui est appelé à y participer." (p.37s)
"En
Israël, l'armée est omniprésente, elle fait corps avec la nation.
Tout le monde a été, est et sera soldat. L'armée imprègne les
mentalités et le langage". Barnavi
fera son service dans une unité d'élite, les paras. Là, on lui
inculquera l'esprit
de corps, "première étape du conditionnement psychologique du
soldat". Il
y apprendra que l'humiliation et les brimades systématiques sont le
prix à payer pour franchir chaque étape de sa formation.
L'objectif : "transmuter
le civil en soldat et en faire une machine à tuer".
C'est
alors que la guerre devient une réalité concrète, il va falloir
affronter sa peur devant le danger. Le caractère de chacun s'y
révèlera : les lâches, les héros, les sadiques...
Pour
finir, Barnavi cite un essai de deux médecins militaires, Louis Huot
et Paul Voivenel, « La psychologie du soldat » (1918) :
La guerre, c'est bien « cet
englobement immédiat et sans restriction des individualités »
Troisième thèse : "La guerre est une expérience collective extrême, qui requiert une organisation sociale et un conditionnement politique adéquats". (p.49s)
Une
société en guerre a besoin d'être en osmose avec la société. Ce
militarisme sociétal et culturel est associé
à "un nationalisme ombrageux et exclusif. Il peut même
s'accommoder d'une culture politique de gauche",
ce qui le fut le cas en Israël, où l'armée se devait de tenir en
permanence ses ennemis en respect.
En
Israël, pour des raisons démographiques, il n'y a jamais eu d'armée
de métier. Les officiers de carrière sont tous « sortis du
rang ». Le
service universel a été dicté aussi par l'idéologie sioniste des
origines : "la
figure idéale du Juif nouveau était le paysan-soldat".
Barnavi
élargit sa réflexion au-delà du cas spécifique d'Israël :
si la carrière militaire est prestigieuse, c'est parce que la
défense du pays est considérée comme la tâche la plus noble
(d'ailleurs dévolue aux nobles dans la France de l'Ancien Régime).
Il
observe aussi que maintenant la guerre n'est plus le « fait du
prince ». Les démocraties libérales se doivent de leur donner
un argument légitime aux yeux de la société : elle est
devenue idéologique. Dans le
cas d'Israël, "démocratie
la plus guerrière de notre temps avec les États-Unis" : le
gouvernement évite de lancer des guerres auxquelles l'opinion
israélienne est hostile (par exemple contre l'Iran).
Quatrième thèse : "Ce conditionnement collectif et individuel est fonction de la culture politique ambiante". (57)
La
porosité entre société et armée génère un esprit particulier
formateur d'une culture sociale et politique spécifique au peuple
d'Israël.
L'impératif de défense face à un environnement hostile et l'idéologie sioniste de l'' « homme juif nouveau » se sont combinés pour produire un ethos pédagogique où le culte d'un passé ancien héroïsé est censé effacer les tares aliénantes et humiliantes du ghetto.(...) L'apprentissage de la Bible sans esprit critique est de la dynamite.
Aux
débuts travaillistes de l’État d'Israël, l'armée se situait
largement à gauche (forte présence des kibboutzim). Puis le Likoud
domine à partir de 1977. L'idéologie sioniste séculière
s'affaisse. Le néo-sionisme religieux se répand. Le mouvement
national juif, autrefois très minoritaire, monte en force avec la
colonisation des territoires occupés.
L'armée aurait-elle viré à droite ? En fait, à l'image de la société globale, au moins deux conceptions opposées de l'armée et de la guerre cohabitent désormais au sein de Tsahal. Elles relèvent de visions du monde incompatibles. Pour l'une, toujours majoritaire – pour combien de temps - l'' « armée du peuple » est et doit rester séculière, intégrative et soumise au pouvoir civil. Pour l'autre, issue des yeshivot (académies talmudiques) du courant religieux-national, l'armée est certes « du peuple » mais celui-ci n'est pas souverain. Dieu seul est souverain, sa Torah est sa Constitution et les rabbins sont ses interprètes.
D'où
la propagande diffusée par les religieux au sein de l'armée :
"sainteté
et intégralité de la Terre d'Israël, donnée une fois pour toutes
en héritage inviolable, et obligation de traiter les ennemis
d'Israël selon l'injonction biblique d' « exterminer Amalek"
Ces
deux visions antagoniques au sein d'une même force armée risquent
de s'avérer dramatiques, le jour où il faudra rétrocéder la
« Judée-Samarie ». C'est la culture politique d'une
société en état de guerre permanente. C'est une culture de guerre,
tant que la guerre est perçue comme vitale pour la survie du groupe.
La peur n'est pas étrangère à la culture de guerre, mais la culture de guerre ne se réduit pas à la peur. En démocratie, la culture de guerre ne survit pas à la guerre. (ex. : en France)
Cinquième thèse : "C'est ce double conditionnement, individuel et collectif, qui créé une atmosphère dans laquelle la violence devient possible ; mieux : acceptable" (73)
En
guerre, il devient licite de tuer son semblable : la guerre
porte en elle une « barbarisation » des comportements
humains : déshumanisation de l'ennemi, déchaînement de la
violence contre les populations civiles.
Des
lois de la guerre prétendent y introduire un peu d'humanité. Mais
une sorte d'accoutumance à la tuerie de masse des deux guerres
mondiales a préparé les esprits aux génocides à venir.
Sixième thèse : "Si la guerre de religion est souvent une guerre civile, toute guerre civile s'apparente à une guerre de religion" (79)
Voir
les ultra-religieux, prêts à prendre les armes contre leur
concitoyens israéliens pour parvenir à la domination totale des
Juifs entre la mer et le Jourdain. Et pourtant :
Dans la littérature rabbinique comme dans la mémoire collective, la catastrophe majeure qu'a constituée la destruction du Second Temple par les Romains, en 70 de l'ère commune, a été engendrée par la « haine gratuite » entre Juifs, autrement dit la guerre civile qui faisait rage entre les diverses factions des insurgés... Lire La Guerre des Juifs, par Flavius Josèphe, acteur et témoin des événements, au moment même où les légionnaires de Titus assiégeaient Jérusalem... Suite à ce cataclysme et durant près de 20 siècles, le peuple dispersé et privé d'Etat n'aura ni le goût ni les moyens de se livrer aux conflits fratricides.
Cette
situation a duré jusqu'aux accords d'Oslo.
Actuellement, deux conceptions de l'État et du sionisme se font face : l'une est nationale, séculière et voit dans l'Etat et la terre où il s'est installé de haute lutte les outils de la normalisation de l'existence juive. (Yitzhak Rabin) ; l'autre est messianique, et sa vision du monde est celle qu'enseignent les rabbins du courant religieux-national : la démocratie est une invention « grecque », autrement dit impure et étrangère à l'esprit du judaïsme, qui est, lui, fondé sur la triple alliance entre Dieu, le Peuple et la Terre. Aussi bien, la Terre d'Israël est sacrée, aucune parcelle ne doit en être aliénée aux Gentils, celui qui s'y risque doit le payer de sa vie.(Yigal Amir)
Cependant,
malgré la possibilité de brusques accès de violences, une guerre
civile est improbable en Israël.
Il n'y a pas de guerre civile sans État. L'histoire de la guerre civile suit celle de la constitution des États. Phénomène européen du 16e au 18e siècle, la guerre civile s'étend au rythme même de son appropriation par des sociétés extra-européennes, cependant qu'elle disparaît progressivement en son lieu de naissance... On en compte trois avant la Seconde Guerre Mondiale : les guerres civiles russe (1918-1921), irlandaise (1922-1923) et espagnole (1936-1939). Une après : la guerre civile grecque (1946-1949), et une allumée par la dislocation de la Yougoslavie, de 1191 à 2002, qui a tourné au conflit entre États. Mais on compte une bonne vingtaine de guerres civiles dans les États successeurs des empires coloniaux, notamment en Afrique, au Proche-Orient et au Moyen-Orient.
Le
plus souvent, le conflit, pour interne qu'il soit, "s'enrichit
d'une dimension internationale, chaque partie disposant d'un ou
plusieurs protecteurs extérieurs. Tout concourt à impliquer des
puissances qui trouvent dans la tourmente de quoi assouvir leurs
propres ambitions et servir leurs propres intérêts".
Toute guerre civile se vit comme une entreprise d'assainissement du corps social, de purification, d'avènement. Toute guerre civile relève du sacré. (Exemple : La Réforme). Les protagonistes font des textes sacrés une lecture politique militante, la religion se mue en idéologie politique de combat.
La sécularisation des esprits (« crise de la conscience européenne » selon Paul Hazard) rendra obsolète la guerre civile au nom de la religion. D'autres principes l'emportent : la Nation, la République, la Démocratie, la Classe.
Avec
le progrès, les affrontements civils prennent des proportions
tragiques et font des millions de victimes.
De même qu'il existe une culture de guerre qui précède la guerre, il existe une culture de la guerre civile qui accompagne, entretient et justifie la guerre civile.(Lénine théorise la violence révolutionnaire accoucheuse d'un monde nouveau)
Mais
les conditions sont à nouveau réunies pour de nouvelles « vraies »
guerres de religion :
- guerres opposant deux religions entre elles (musulmans et juifs au Proche-Orient, sunnites et chiites au Liban), et relevant plutôt du terrorisme
- conflits, au sein d'une même religion : les orthodoxes contre un pouvoir jugé corrompu et mécréant, tels les sionistes messianiques en Israël. L'objectif : assurer les frontières du Grand Israël, et imposer un État régi par le droit religieux juif, la halakha, voire restaurer la royauté. (Pour les musulmans : imposer un État régi par la charia, droit religieux musulman, et restaurer le califat)
Septième thèse : "Toute tentative de moraliser la guerre est vouée à l'échec, pour la bonne raison que mettre à mort ses semblables ne saurait être une entreprise morale. Plutôt que la morale, mieux vaut donc invoquer le droit" (97)
Asaz
Kasher, professeur de philosophie à l'université de Tel Aviv, a
rédigé un code éthique de l'armée israélienne « L'esprit
de Tsahal » :
Les soldats de Tsahal ne recourront à leurs armes que dans le cadre de leurs missions et seulement en cas de nécessité, et conserveront une attitude humaine même durant le combat. Ils n'utiliseront pas leurs armes pour porter atteinte à des êtres humains qui ne sont pas des combattants ou à des prisonniers de guerre, et feront tout pour éviter de porter atteinte à leurs vie, corps, dignité et biens.
Inapplicable
et inappliqué.
Postulat
de toute campagne guerrière :"La guerre que je mène
est toujours juste, et injuste celle qu'on mène contre moi."
Certaines guerres sont justes (se débarrasser d'Hitler)
Mieux
vaut invoquer le droit. Cicéron déjà, avec De officiis,;
Hugo Grotius au 17e siècle, distinguant le droit à la guerre du
droit dans la guerre et du droit à la sortie de la guerre. "La
cause doit être juste et les moyens utilisés sélectifs et
proportionnels."
Après
le génocide de la seconde guerre mondiale, les procès de Nuremberg
ont suscité "une
prise de conscience et une jurisprudence qui ont permis l'éclosion
d'un droit des gens humanitaire, dont les divers tribunaux
internationaux contemporains sont l'émanation".
Le
droit international humanitaire ne vise pas à moraliser la guerre,
mais à
la civiliser et l'humaniser : traiter correctement les prisonniers, distinguer entre combattants et population civile et protéger celle-ci du conflit, interdire les armes de destruction massive, et en dernier ressort, juger dans des tribunaux spéciaux les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité...En 2005, l'ONU adoptait une résolution instaurant la responsabilité des États de protéger leurs populations, et la communauté internationale doit aider les gouvernements et prévenir, au besoin par la force, les crimes les plus atroces – génocide, nettoyage ethnique, crimes de guerre et contre l'humanité.
Cette
conception rencontre deux types d'adversaires :
- ceux qui pensent que les pays extérieurs ne doivent pas se mêler de ces conflits
- ceux qui pensent que la guerre, mal absolu, n'est jamais la solution.(Exemple de résultat du refus de toute intervention : favoriser l'afflux des djihadistes qui profitent de la non-intervention.)
Les
détracteurs des cours spéciales accusent une "justice
des vainqueurs",
déplorent leur incapacité à juger tous les criminels et le fait
qu'ils sont trop souvent issus du tiers ou du quart-monde. Mais ces
pays sont ceux où dominent les conflits armés et les violations des
droits de l'homme. Enfin ces cours spéciales empoisonneraient les
relations internationales.
Les
défenseurs du droit international soulignent que ces cours
permettent de mettre le holà à l'impunité dont jouissent les
criminels de guerre. C'est déjà un progrès.
Huitième thèse : le pacifisme est précisément la doctrine du rejet de la distinction entre guerre juste et injuste, et, partant, de toute forme de violence (105)
Le
refus intégral de la violence ne peut apporter la paix, il est
l'acquiescement aux débordements des méchants (ex. : Hitler).
Le pacifisme, c'est la paix à tout prix... Le seul critère pertinent pour évaluer le pacifisme reste celui de l'efficacité.
Si
le terme pacifisme
est
récent (Emile Arnaud, juriste français, 1864-1921), le concept est
ancien. Ses racines sont religieuses (bouddhisme, jaïnisme,
christianisme...). Mais les textes fondateurs ne sont pas vraiment
pacifistes : la Bible hébraïque, le Talmud...
Les
Juifs, privés d'État et donc de l'épée, n'ont pas versé le sang
tout au long de leur exil. Les chrétiens ont fait et font la guerre.
On fait dire aux Écritures ce qu'on veut. La tradition humaniste
s'est développée au cours des siècles (quakers anglais, puis
Érasme, Fénelon au siècle des Lumières...)
Parallèlement,
les projets d'union européenne se multiplient à partir du début du
18e siècle.Puis la passion pacifiste est ravivée par les guerres
napoléoniennes. Les femmes, considérées comme pacifiques par
nature, y prendront un rôle croissant. Seront créées une Ligue
féminine en faveur de la paix et de l'union des peuples, et une
Alliance universelle des femmes pour la paix.
Une véritable idéologie politique du pacifisme naît au tournant du 20e siècle avec le mouvement socialiste européen. La guerre est considérée comme une machination des classes possédantes, le rejeton monstrueux du capitalisme, la manifestation ultime du chauvinisme.
Mais
en 1914, Jaurès est assassiné. Le lendemain, commence la
mobilisation. Le nationalisme l'a emporté sur le pacifisme. C'est
l'horreur des tranchées qui refait surgir le pacifisme :
l'opinion se rallie au cri de « Plus jamais ça ».
Malgré
une seconde guerre vingt ans plus tard, le pacifisme survit.
En réaction aux tueries de masse qui se sont produites sur son sol, par ailleurs déresponsabilisée par l'organisation bipolaire du monde issue de la Seconde Guerre Mondiale et culpabilisée par ses guerres coloniales, l'Europe tout entière est peu ou prou devenue pacifiste.
Pour
limiter les morts inutiles, les USA utilisent des drones. En France,
l'opinion est de plus en plus réticente à la guerre.On ne peut que
constater l'impasse du pacifisme intégral.
La
non-violence (Gandhi) peut se révéler efficace, quand les
circonstances lui sont favorables. Parfois au contraire, la
non-violence est abandonnée et l'on recourt à la lutte armée
(Mandela et l'apartheid).
Au mieux, le pacifisme a sauvé l'honneur de la race humaine. Au pire, comme au lendemain de la Grande Guerre, il a atrophié les défenses des démocraties et facilité la tâche de ses ennemis.
Neuvième thèse : "La presse est tantôt le suppôt des guerres, tantôt leur pire adversaire" (121)
Le
conflit israélo-palestinien est le plus « couvert » du
monde, avec la plus forte densité de correspondants étrangers. La
censure militaire existe, mais elle est largement impuissante, face
aux smartphones des badauds. Au Proche-Orient comme ailleurs, tout le
monde comprend désormais l'importance de la presse.
Quel
est le rôle de la presse dans les guerres modernes ? Pour les
chefs militaires, elle est à la fois une nuisance à neutraliser et
un atout à exploiter. Dans le feu de l'affrontement, elle joue
tantôt un rôle d'accélérateur, tantôt un rôle de frein. Dans de
nombreux cas la présence des journalistes a plutôt épargné des
vies : on tue plus difficilement sous l'oeil des caméras.
Toute
armée en campagne fait face à 2 exigences contradictoires :
préserver sa liberté d'action, et donc le maximum de secretn et
s'assurer la sympathie de l'opinion publique, locale et
internationale, et donc le maximum d'information.
D'où
l'importance du contrôle des médias (pas de problème en régime
totalitaire). Dans les démocraties (liberté de la presse, absence
de censure), les relations entre pouvoir et journalistes sont plus
complexes. Les armées des pays démocratiques ont appris à
maîtriser leur communication. Les forces de défense ont leurs sites
officiels : l'armée est devenue sa propre agence de
communication. "La guerre est redevenue ce qu'elle n'aurait
jamais dû cesser d'être : la continuation de la politique par
d'autres moyens".
Dixième thèse : "La guerre n'est pas une fatalité humaine" (133)
En
réalité, il y a de moins en moins de conflits armés de par le
monde. Et ils font de moins en moins de victimes. Des
troupes en mission agissent non pas pour obtenir quelque avantage,
mais au nom de la paix de populations en détresse. Ce sont des
"soldats
de la paix"..
Mais
les mobiles des anciennes guerres existent encore (Poutine et la
Crimée). L'homme serait guerrier, car violent par nature :
Les biologistes évolutionnistes expliquent que la guerre serait constitutive de la nature humaine, qu'elle aurait même joué un rôle non négligeable dans l'évolution de notre espèce. Sans guerre, pas d' Homo sapiens... Les anthropologues constatent que les groupes humains ont besoin d'un ennemi extérieur pour assurer leur cohésion.
Pour
d'autres, la guerre serait plutôt une institution sociale et
culturelle, et donc soumise aux aléas de l'Histoire.
On
ne pourra pas compter sur le progrès de l'esprit humain par la
culture, car la guerre est aussi un fait de culture.
La solution réside dans une organisation pratique des sociétés humaines qui rende la guerre impossible, voire inconcevable.
Les
seuls outils dont nous disposons sont :
- la négociation
- la dissuassion, notamment nucléaire avec ses risques et ses limites
- le rôle, non négligeable mais insuffisant, de l'ONU
La véritable solution est à chercher en Europe. Elle a cassé le cycle stérile des guerres, qu'elle a remplacé par un ordre international inédit.... Cependant l'Europe unie n'est pas la cause de la paix, mais sa conséquence. Son organisation en États de droit démocratiques la préserve de nouvelles guerres... Les démocraties libérales font la guerre, mais ne se font jamais la guerre... Ainsi, un monde organisé en démocraties libérales devrait pouvoir écarter la guerre... Une utopie, peut-être, mais pour une fois à notre portée.
Notes prises par H.H.
__________________________
- Notice Wikipédia sur Élie Barnavi : Lien
- Elie
Barnavi en 2012 dans "A voix nue", cinq émissions de 30
min. sur France Culture : Lien1
- Lien2
- Lien3
- Lien4
- Lien5
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