Autour de Mensonge romantique et vérité romanesque (1961)
Chez les animaux, dit René Girard, le "désir rivalitaire" s'observe couramment dans le domaine sexuel : il semble par exemple qu'une femelle courtisée parmi les lions de mer de Californie déclenche le désir d'autres mâles. Chez les humains, le champ semble beaucoup plus vaste, si bien qu'on peut s'autoriser à parler de "désir mimétique".
Contrairement à Platon, Aristote réhabilite l'imitation mais en l'affectant essentiellement à l'art et à l'esthétique, au risque d'en faire quelque chose d'anodin. Mais la littérature ne le voit pas comme tel (Mensonge romantique et vérité romanesque, 1961)...) Or la neurologie contemporaine parle de "neurones miroirs", qui entrent en activité non seulement quand on accomplit un acte, mais encore lorsqu'on est témoin de cet acte.
Jean Piaget situe l'apprentissage de l'imitation à l'âge de la représentation symbolique. Or l'imitation chez le nouveau-né peut être différée, observe-t-on de nos jours. L'imitation, loin d'être le fruit d'un apprentissage, serait donc elle-même un apprentissage - l'apprentissage même.
Autour de La Violence et le sacré (1972)
Point de vue indépassable dans l'approche de la violence, si la violence est essentiellement un phénomène rivalitaire.Or la notion de rivalité a pris une importance considérable aujourd'hui, du fait que le capitalisme en a fait le moteur de l'activité humaine. Par ailleurs, les interdits divers des civilisations semblent destinés essentiellement à écarter toutes les occasions de violence. Il y a alors une convergence avec ces parts réservées du religieux. L'exogamie est un phénomène analogue.: les femmes appartenant au groupe sont beaucoup plus dangereuses pour sa cohésion que des femmes venant de l'extérieur. C'est encore une tentative de lutter contre la violence.
Les dieux sont alors la chose sur-humaine qui peut nous unir et qui peut nous détruire. Tout cela rend assez manifeste que la culture est avant tout évitement de la violence. C'est ce que tend à démontrer La Violence et le sacré (1972). La grande littérature donne une place de choix à la rivalité, alors que la littérature courante l'estompe, en réservant la violence aux "méchants", dissidents de la communauté. L'existentialisme a raison de refuser ces formes toutes faites de la bonté et de la méchanceté.
Autour du Bouc émissaire (1982)
La rivalité est centrale chez les hommes. De ce fait, selon René Girard, les religions naissent lorsque dans une communauté donnée la rivalité devient générale. Les mythes s'enracinent dans une crise générale, qui prend fin lorsqu'un individu particulier est découvert responsable du trouble. Il est alors mis à mort, et devient le dieu bon et terrible garant des interdits et des comportements d'évitement (selon René Girard, religion et culture ne font qu'un). Moyennant les sacrifices, qui ont une valeur cathartique : c'est le sens de la tragédie. Les conflits s'imitent par le même phénomène d'imitation qui joue au niveau du désir; s'accordant finalement contre un individu donné. Le plus antipathique, que René Girard appelle le "bouc émissaire", du nom d'un rite hébraïque antique. Il y a une tendance mimétique à s'unir dans un groupe à s'unir contre un individu, quel que soit son niveau de responsabilité. Le phénomène de "bouc émissaire" est donc susceptible de clore une crise sociale d'importance. La victime est divinisée car elle porte l'espoir de la communauté de la disparition de la violence. Très différents par bien des côtés, les mythes se ressemblent tous grâce à cette structure fondamentale. Dans le rite sacrificiel, la victime est une remplaçante du dieu. Le sacrifice nourrit le souvenir de la catharsis originelle.
Autour de Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978)
Le christianisme est analogue à la tragédie. Le Christ fonctionne comme une figure sacrificielle. La crucifiction est un meurtre collectif médiatisé par la puissance romaine. Mais ce qui sépare le christianisme des mythes archaïques, c'est l'innocence affirmée de la victime. Pour René Girard, "le christianisme est la seule religion à "dire la vérité sur la victime." Du coup, la culpabilité est tout entière du côté de la communauté. Pour le conférencier, le christianisme est "impossible à vivre... parce qu'il dit la vérité sur la tendance des hommes à faire d'un innocent un coupable".
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