jeudi 28 mai 2015

Maria Zambrano, la terreur comme venin

Par PERMI4

Maria Zambrano écrit L’Agonie de l’Europe, (rédigé en 1940 mais édité en 1945) dans un contexte historique particulier : entre la guerre d’Espagne, à laquelle elle avait participé, et son exil suite à l’accession au pouvoir de Franco.(1)

Pour une part, sa réflexion se porte plus précisément sur l’après-guerre de 1914-1918 qui avait vu, selon elle, choir l’Europe, « privée de désir » et « incapable de se battre », dans l’aliénation généralisée, passant « de la foi dans la raison » à un « boueux scepticisme » et « d’une naïveté la plus optimiste à la terreur.», le tout résultant en une acceptation résignée de la seule immédiateté événementielle sans plus d’examen. Or, continue-t-elle,

Le pire de la terreur, c’est qu’il s’agit de la forme de pénétration anticipée et parfois unique dont dispose l’ennemi. C’est la manière qu’il a d’injecter en notre organisme le venin qu’il émet. La terreur, la peur qui succède à la confiance excessive, et qui paralyse le meilleur de l’homme : trouver derrière l’immédiateté effroyable des faits les raisons et déraisons. Démasquer les monstres qui nous attaquent : seule façon de rendre le monde noble et habitable (p.22-23, )

Cet exposé résonne comme éminemment actuel.

Or, si comme le déclare Éric Blondel dans un cours consistant en un commentaire d’Aurore de Nietzsche, « le risque de la vérité, c’est de montrer la parenté de la condition humaine avec l’inhumain, le monstrueux » (2), il devient semble-t-il nécessaire, si nous suivons la pensée de la philosophe espagnole et l’interprétons pour nous, Européens d’aujourd’hui, d’éclairer en premier lieu le monstre qui nous gangrène (symptômes : désarroi, scepticisme, morosité) et d’« aller à la découverte de ce qu’a pu être la vérité de l’Europe », c’est-à-dire de «partir à la rencontre de ce à quoi nous ne saurions renoncer » (L’Agonie de l’Europe p. 38).

Ne réduisons pas ces propos à une démarche conservatrice. Il est à craindre en effet que la terreur, sans remise préalable en perspective, soit mauvaise conseillère en vue d’une refondation d’une éthique politique ébranlée de nos jours par l’événement et ne faisant qu’y réagir au coup par coup, non sans reniements.

PERMI4
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(1) Maria Zambrano, L’Agonie de l’Europe, trad. J. C. Baeza Soto, Circé, 2011
(2) "Nietzsche Aurore Commentaire", notes de cours d'Eric Blondel, 2007, p.36 : Lien

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