mercredi 20 mai 2015

'La Société de consommation', de Jean Baudrillard (1970)


Par PERMI4

En complément de Guy Debord et de sa Société du spectacle, (voir article du 16 mai) je pense que l’on peut rouvrir avec profit La société de consommation de Jean Baudrillard, ouvrage paru trois ans plus tard (1970), chacun des livres encadrant les mouvements contestataires de 1968. Notamment revoir sa réflexion sur la violence et sa contrepartie la non-violence; (on sait comment chez ce post-structuraliste les contraires, ou ce qui semble tel, s’allient au sein d’une même entité socio-culturelle) qui naît au sein de la société de consommation , « société pacifiée et société de violence » car « ce n’est pas le spectre de la rareté qui hante la civilisation d’abondance, c’est le spectre de la FRAGILITE. » [C’est l’auteur qui souligne]. Ainsi, précise-t-il,

C’est parce que nous vivons de l’idée traditionnelle de la pratique du bien-être comme activité rationnelle que la violence éruptive, insaisissable, des bandes de jeunes [mentions ici de divers mouvements de révoltes, émeutes, meurtres, survenus à son époque] nous apparait comme une manifestation inouïe, incompréhensible, contradictoire, semble-t-il, avec le progrès social et l’abondance.

Cette violence érostratique s’oppose à la réflexion commune sur les causes et les buts à caractère d’intérêt personnel du passage à l’acte (cette rationalité que saint Augustin voulait donner au crime au livre II des Confessions par exemple, ne serait-ce que le plaisir d’enfreindre la loi) et n’est pas analysée d’un point de vue moral mais comme une résultante, qui parait inéluctable, de l’évolution de nos sociétés d’abondance auxquelles nul « supplément d’âme » (mention ibidem d’un discours de Jacques Chaban-Delmas, alors premier ministre) ne pourra remédier. L’analyse de Baudrillard peut aider à éclairer d’autres passages à l’acte qui ont fait depuis la une de la presse : fusillade de Colombine (1999, Californie) et autres du même genre.

Cependant, il va de soi que cette violence ici évoquée ne se rapporte pas à celle des personnages de fiction romanesque d’Albert Camus et de Kamel Daoud évoqués dans ce blog, personnages que l’on pourrait qualifier, compte tenu de leur situation historique, de colonialiste – Meursault – et post-colonialiste – Haroun –. Là, pourrait-on dire, l’absurdité n’est en effet ni le crime gratuit gidien, ni « l’acte le plus surréaliste qui serait de sortir dans la rue, revolver au point, et de tirer dans la foule au hasard » selon André Breton (ce qu’Albert Memmi trouvait parait-il, ridicule et scandaleux). Elle ne relève pas du processus de progrès technique et de la prolifération des biens matériels mais de l’arrivée à terme d’une période historique de domination directe de l’occident sur certains peuples et des conséquences, des échos, continuant encore à se propager telle une onde jusqu’à nos jours.

Comment ne pas voir dans le roman de Camus la fin métaphorique de l’Algérie française vingt ans avant que soit proclamée l’indépendance de ce pays ? (le silence des juges à propos du meurtre lui-même et le passage à la trappe de cet « Arabe » anonyme assassiné, esquive habilement la difficulté d’exprimer la confrontation des identités). Peut-on espérer que le roman de Kamel Daoud marque métaphoriquement la fin du malaise post-colonial d’ici une vingtaine d’années?

PERMI4
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  • Jean Baudrillard sur Wikipedia : Lien
  •              La photographie et l'absence du monde : Lien
  •              Une vie une oeuvre,  audio (59 minutes) : Lien

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