vendredi 9 janvier 2015

'L'Attentat' (2005), roman de Yasmina Khadra

Ce roman a été beaucoup lu, en français et dans ses différentes traductions. Peut-il contribuer à faire avancer notre réflexion autour du thème de l'attentat ?

A première lecture, rien n'est moins sûr. Le ressort dramatique est central dans ce livre, et la tension du narrateur Amine Jaafari, chirurgien d'origine bédouine dans un hôpital de Tel Aviv, vers la vérité que lui a dissimulée sa propre femme - auteure d'un attentat suicide en pleine ville - semble d'abord le ressort unique du roman.

L'action pourtant n'exclut pas quelques visées documentaires, le récit nous menant à Jérusalem, à Bethléhem et à Jénine, au moment des tragiques affrontements de 2002. Cela dit, il est difficile de juger si l'auteur ne nous renseigne pas davantage sur les tensions qui traversent la société algérienne, qui le préoccupent et qu'il connaît admirablement, que sur Israël et la Palestine, cette région  n'étant pour lui, au mieux, qu'un terrain d'enquête.

Quoi qu'il en soit, le romancier invite ses lecteurs, au fil de l'intrigue, à distinguer dans l'origine de la violence trois courants : les fondamentalistes, qui rêvent d'un califat universel ; les islamistes, dont le but est d'instaurer dans leur pays un état islamique régi par la "charia", et les activistes mus par un désespoir personnel, humiliés personnellement ou dans leur famille, et qui n'entrevoient plus que la possibilité de choisir leur mort. C'est clairement à ces derniers que l'auteur réserve sinon sa compréhension, du moins sa compassion.

Reste un dernier point qu'il importe de souligner. On a reproché non sans raison au roman de Yasmina Khadra d'éluder la dimension politique du conflit israélo-palestinien. Or c'est peut-être ce choix, précisément,  qui va nous permettre d'aller plus loin.

"Le bâtard n'est pas celui qui ne connaît pas son père, c'est celui qui ne connaît pas ses racines", écrit le narrateur. Si cela fait immédiatement penser au malaise de Yasmina Khadra lui-même, Algérien en mal d'un pays, au-delà, nous sommes renvoyés très directement à pensée de Simone Weil concernant l'enracinement, le besoin fondamental de tout être humain. Lorsque le tissu de la communauté de destin se déchire, violenté par l'histoire, l'individu renvoyé à lui-même n'est plus qu'un être dépouillé, près de se jeter dans la violence à l'encontre de soi et d'autrui.
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  • Présentation du roman L'Attentat par Olivier Barrot (vidéo 2'40'') "Yasmina Khadra me semble aller aussi loin qu'il est possible avec les armes de la littérature": Lien
  • Une adaptation BD de L'Attentat : Lien 
  • L'Attentat, le film tiré du roman : Lien
  • Yasmina Khadra s'exprimant à la télévision (Tizi-Ouzou, 2014) :"J'ai besoin d'un pays" : Lien 
  • Un article sévère sur "l'apolitisme" du roman L'Attentat", par L.Brown : Lire
  •  Le site de Llevellyn Brown : Lire

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