lundi 1 décembre 2014

Beatriz Preciado : le genre n'est pas une chose / la recherche ne peut être normative


Si la philosophie n'est pas exempte d'opinions partielles, partiales ou mal étayées, ni d'errances par conséquent, les polémiques qui s'ensuivent ne sont pas toujours significatives d'une recherche exigeante de la vérité. Cette controverse-ci pourtant semblerait révélatrice de débats apparemment insolubles qui traversent l'opinion.

Débat entre philosophes


Beatriz Preciado, dans un article titré "Onfray en pleine confusion de genre" paru dans Libération du 14 mars 2014, épingle son confrère de l'Université populaire de Caen à propos d'une chronique parue le même mois, se demandant comment et où il a bien pu découvrir avec stupéfaction "les racines très concrètes" de la théorie des genres. Si selon ce qu'il semble il connaît mal Judith Butler, à qui il attribue des thèses qu'elle ne soutient pas, d'où tient-il son information ?
Beatriz Preciado voit la source principale de cet écrit dans un article (auquel Michel Onfray omettrait donc de renvoyer) d'Emilie Lanez, paru en début d'année dans Le Point, et qui orchestre selon elle plusieurs erreurs et confusions. Le reste viendrait d'un site catholique du Québec, qui n'est pas davantage cité.

Racine du genre / nature d'une recherche


L'intérêt de cette sortie de Beatriz Preciado, cependant, n'est pas tant dans la dénonciation de la position de Michel Onfray, que dans l'éclaircissement de sa propre pensée. Et de ce point de vue, cet intérêt est double.
  • D'une part, elle rappelle que le genre n'a pas d'autres "racines très concrètes" que les gens vivant dans leur psychisme et dans leur corps, dans leurs liens et leur environnement social, qu'ils s'en accommodent ou non. 
  • D'autre part, elle réaffirme avec vigueur qu'une recherche et les repères théoriques qu'elle se donne (comme ici la théorie des genres) ne peut s'autoriser en aucun cas à déterminer une norme et une pratique.

S'il-y-a théorie du genre, précisément, c'est qu'il importe pour un certain nombre de chercheurs de dénoncer l'activité normative du préjugé bisexuel dominant : faire jouer à cette théorie, à son tour, un rôle normatif, n'a pas de sens.
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  • Lire l'article de Beatriz Preciado sur les confusions imputables selon elle à Michel Onfray: Lien
  • Lire sur le site de l'Université populaire de Caen la chronique de Michel Onfray sur les origines selon lui de la théorie du genre (mars 2014) : Lien
  • Voir l'article d'E.Lanez dans Le Point du 31/01/2014, invoqué par Beatriz Preciado : Lien
  • Parcourir l'article du site Pour une école libre au Québec paru en février 2013 : Lien

1 commentaire:

  1. Aujourd’hui mercredi 3 décembre sur France Culture, émission La Grande Table 2ième partie à 12h55, « LE GENRE : ENCORE » (sic ; cet « encore » qui signifie vraisemblablement un « de nouveau » pourrait laisser penser à une saturation ?)
    http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-2eme-partie-le-genre-encore-2014-12-03
    Présentation trouvée sur le site de la radio :
    « Caroline Broué et Antoine Mercier reçoivent Bérénice Levet pour son dernier livre La théorie du genre ou le monde rêvé des anges, paru chez Grasset en novembre. Avec nous pour discuter des études de genres, la journaliste Cécile Daumas, auteure de "Qui a peur du deuxième sexe ?" (Hachette Littérature, 2007) et présidente du laboratoire de l'égalité.
    … agrémentée de quelques reports d’interventions :
    • Bérénice Levet : Lorsqu'on utilise l'expression "théorie du genre" on nous invite à utiliser plutôt celle d'"étude de genre". Conceptuellement ça n'a pas de sens, pour qu'on puisse faire des études sur le genre il faut bien qu'on ait théorisé le genre.
    • Bérénice Levet : Les partisans du genre ne nient pas les différences anatomiques liées aux genres, mais ils n'en tirent aucune incidence existentielle. Ils nous invitent à nous désidentifier de notre genre.
    • Bérénice Levet : La théorie du genre confie à l'individu la construction de lui-même, or il y a une détermination qui ne dépend pas de la volonté.
    • Cécile Daumas : Les différences de sexes nous structurent mais ne nous déterminent pas. »
    Pour ma part j’ai trouvé le débat confus alors que le sujet, peu aisé il est vrai du fait de sa position inconfortable entre nature et culture, physiologie et sociologie, soumission à des codes explicitement ou implicitement imposés et liberté, réclame une certaine précision dans les termes et une pensée articulée, quand bien même son emballage ne manquerait ni d’humour ni d’une certaine provocation (adresses au public) tel celui de Beatriz PRECIADO (d’ailleurs mentionnée).

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