mardi 27 janvier 2015

De l'inhumain dans l'homme / Jean-François Lyotard

Pour coiffer son livre L'Inhumain / Causeries sur le temps paru en 1988, Jean-François Lyotard rédige un avant-propos qu'il intitule... "De l'humain". Paradoxe apparent, fausse impertinence désignant plus qu'elle la dissimule la profonde pertinence à l'inverse de ces quelques pages lumineuses.

Le "soupçon" qui réunit les différentes "causeries" réunies dns ce volume, nous dit Jean-François Lyotard, est double :
Et si les humains, au sens de l'humanisme, étaient en train, contraints, de devenir inhumains ? Et si, de l'autre [côté], le "propre" de l'homme était qu'il est habité par de l'inhumain ?
Il y aurait donc, souligne l'auteur, "deux sortes d'inhumain", qu'il serait indispensable de tenir "dissociées". Expliquant :
L'inhumanité du système en cours de consolidation, sous le nom de développement (entre autres), ne doit pas être confondue avec l'autre, infiniment secrète, dont l'âme est l'otage. Croire, comme il m'est arrivé, que celle-là puisse relayer celle-ci, lui donner expression,  c'est se tromper.
Tout cela va donc s'éclaircir peu à peu. L'âme est le lieu de l'angoisse, angoisse d'être pris entre l'incomplétude de l'enfance et celle du système (éducatif notamment) édifié par-dessus pour tenter de pallier ce premier manque natif.
Qu'appellera-t-on humain dans l'homme, la misère initiale de son enfance ou sa capacité d'acquérir une "seconde" nature qui, grâce au langage, le rend apte au partage de la vie commune, à la conscience et à la raison adultes ? 
Mais cette "dialectique" est-elle si parfaite
[...] qu'il serait inexplicable, pour l'adulte lui-même, qu'il ait à lutter sans cesse pour assurer sa conformité aux institutions et même pour aménager celles-ci en vue d'un meilleur vivre-ensemble [...] ?
La littérature, les arts, et la philosophie même constituent les "traces d'une indétermination, d'une enfance, qui persiste jusque dans l'âge adulte." Quoi qu'il en soit, il s'agit bien pour la pensée de garder intact "l'inaccordable" de ce qui constitue l'humanité, parce qu'il garantit le maintien légitime du "conflit des inhumanités". L'inhumanité dans l'homme est bien ce qui d'un côté le distingue comme homme d'autres espèces (l'enfance), et de l'autre côté ce qui entreprend d'y remédier (l'éducation, les institutions, le progrès) avec une marge d'erreur dont il importe de prendre conscience. La pensée, toujours encline à dissoudre l'impensable, doit travailler ici, quoi qu'il lui en coûte,  avec et sur le différend.
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  • Jean-François Lyotard, L'Inhumain, Galilée, 1988, 215 p, 28€ - Lire la 4e de couverture sur le site de l'éditeur : Lien
  • Jean-François Lyotard, un article de Wikipédia : Lien
  • Jean-François Lyotard à la télévision, début d'un entretien sur la notion de post modernité, vidéo INA de 6' : Lien

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