Kamel Daoud, auteur du roman Meursault, contre-enquête
L’article de Jeune Afrique mentionné comme lien renvoie à un texte que Kamel DAOUD , chroniqueur du Quotidien d'Oran, avait publié en 2010, et qu'il avait intitulé "Le Contre-Meursault ou l' 'Arabe' deux fois tué". Ce récit repris par Le Monde du 9 mars 2010 est consultable en ligne à l’adresse ci-dessous mentionnée.
Il termine ainsi : « Cette histoire devrait être réécrite, dans la même langue, mais de droite à gauche. C'est-à-dire en commençant par le corps encore vivant, les ruelles qui l'ont mené à sa fin, le prénom de l'«Arabe », et jusqu'à sa rencontre avec la balle. Pas le contraire. C'est immoral de raconter l'histoire d'un meurtre avec cinquante-six passages pour la balle, le doigt et l'idée qui les a animés, et ne dire qu'une seule phrase pour le mort ».
« De droite à gauche ». Ainsi s’écrit l’arabe, de droite à gauche.
Edward Said, auteur notamment de L'Orientalisme
Il peut être bon de se reporter également au numéro du Monde diplomatique et aux extraits de ce qui concerne Camus dans l’ouvrage d’Edward W. Said Culture et impérialisme publié en 2000, extraits que l’on trouve presque à l’identique reproduits dans le n° 137 de Manière de voir (octobre-novembre 2014, p.31 et suivantes).Les passages suivants sont explicites :
C’est vrai, Meursault tue un Arabe, mais cet Arabe n’est pas nommé et paraît sans histoire, et bien sûr sans père ni mère. Certes, ce sont aussi des Arabes qui meurent de la peste à Oran, mais ils ne sont pas nommés non plus, tandis que Rieux et Tarrou sont mis en avant.
Et plus loin :
Quelle différence d’attitude et de ton dans le livre de Pierre Bourdieu, sociologie de l’Algérie, publié, comme L’Exil et Le Royaume en 1958 : ses analyses réfutent les formules à l’emporte-pièce de Camus et présentent franchement la guerre coloniale comme l’effet d’un conflit entre deux sociétés. C’est cet entêtement de Camus qui explique l’absence totale de densité et de famille de l’Arabe tué par Meursault ; et voilà pourquoi la dévastation d’Oran est implicitement destinée à exprimer non les morts arabes (qui, après tout, sont celles qui comptent démographiquement), mais la conscience française. (...)
Et encore :
Plus de choix ici, plus d’alternative. La voie de la compassion est barrée. Le colon incarne à la fois l’effort humain très réel auquel sa communauté a contribué et le refus paralysant de renoncer à un système structurellement injuste. La conscience de soi suicidaire de Meursault, sa force, sa conflictualité ne pouvaient venir que de cette histoire et de cette communauté-là.
Sans vouloir simplifier la figure complexe d’Albert Camus confronté intimement aux drames de la décolonisation de l’Algérie, il est bon de mettre sous la lumière des intellectuels de l’autre bord de la Méditerranée son œuvre littéraire, qui n’en reste que plus vivante et plus apte, par de nouvelles réponses, à susciter e nouvelles questions.
N’est-on pas nous-mêmes, aujourd’hui, en recherche de sens par rapport aux conflits ensanglantant le Moyen Orient et l’Afrique sub-saharienne ? Recherche difficile qui oblige constamment à ne pas se targuer d’une quelconque supériorité européenne ou occidentale, ni à se satisfaire de réponses toutes faites ou d’une attente paresseuse.
PERMI4
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- Lire l'extrait de Kamel Daoud : Lien
- Se reporter au billet de ce blog présentant Meursault, contre enquête, de Kamel Daoud : Lien
- Consulter l'article "Kamel Daoud" de Wikipedia : Lien
- Lire les extraits d'Edward Said : Lien
- Consulter l'article "Edward Said" de Wikipedia : Lien
A tout bien réfléchir, il semble que la conclusion de l’article précédent soit erronée si l’on en croit les propos d’un sous-préfet de Marseille tenus à une délégation de la communauté kurde de la ville relativement à l'organisation d'une manifestation et rapportés par Le Monde du 8 octobre. En effet, selon cet article, lui sont attribués à ce fonctionnaire de l’Etat les mots suivants : « les Marseillais s'en foutent, les Français de manière générale ont tellement de soucis, les gens s'en foutent. ».
RépondreSupprimerQuand l’opinion règne, les généralisations dominent pour remettre chacun dans les cases où on le veut confiné, c’est-à-dire dans une éthique étique réduite à son plus petit dénominateur commun. D’ailleurs, il n’est plus question de citoyens mais de « gens » ; la « France d’en bas » sans doute, la dominée. En tout état de cause, n’est-ce pas, « le » Français n’a que faire du terme de fraternité inscrit aux frontons des établissements publics ; qu’il se résigne à porter les œillères de son destin inscrit dans l’étroitesse de ses frontières, cela est bien suffisant. Jusqu’à quand cela ?