Un billet de PERMI4
Dans
l’édition en 1968 de La Question juive dans la
collection 10/18, ouvrage traduit par Jean-Michel Palmier, on
constate de curieuses différences avec la version originale en
allemand, disponible en regard de la traduction de Marianna Simon
dans l’édition du même ouvrage chez Aubier-Montaigne en 1971.
Ainsi la fin de la 1ère partie de l’ouvrage de Marx, de
10 lignes en allemand (et dans sa traduction en français), se trouve
résumée en 4 lignes en 10/18. Je ne préjuge pas ceci dit de
l’ensemble du texte. L’intérêt toutefois de cette édition est
de comporter l’écrit de Bruno Bauer, objet de la controverse de
Karl Marx. De son côté, l’intérêt de l’édition Aubier est de
comporter une introduction d’une trentaine de pages de François
Châtelet situant le débat et ses protagonistes dans l’histoire de
l’époque, aussi bien politique que philosophique. A propos
d’introductions, celle de François Châtelet (Aubier) comme celle
de Robert Mandrou (10/18) s’ouvrent toutes deux, sur
« l’actualité inquiétante » d’un antisémitisme
toujours persistant qui incite à la (re)lecture de La Question
juive.
Serait
à lire et méditer la page 36 de l’introduction de François
Châtelet ainsi rédigée :
B[runo] Bauer se trompe : l’opposition entre Juifs et chrétiens n’a pas de solution constitutionnelle, c’est-à-dire étatique (la laïcité est un médiocre remède). La solution ressortit à l’ordre économique : il s’agit de savoir qui détient la propriété, le pouvoir gouvernemental et qui, de ce fait, est capable d’imposer son idéologie ; celle-ci, circonstantiellement, peut jouer de la laïcité, mais elle est incapable d’enfreindre les principes qui règlent sa production et son fonctionnement. Quelle que soit la bourgeoisie qui détient le pouvoir économique et politique, quelque constitution qu’elle applique ou préconise, elle est incapable de promouvoir une émancipation réelle ; entre autres, l’émancipation religieuse.
Souligné
(par moi) ici le concept de laïcité dont la portée est relativisée
par l’auteur; car, et c’est là l’actualité de cette
réflexion, n’est-on pas, plus que jamais aujourd’hui et plus
encore que dans les années 70 (avant le « choc pétrolier »,
durant les prétendues « trente glorieuses ») face à des
gouvernements s’accusant à tour de rôle d’idéologiser alors
qu’on prétend, depuis la chute du Mur de Berlin et l’effondrement
de l’empire soviétique, que les idéologies sont mortes. Or, de
facto, place a été laissée à un capitalisme triomphant devant
lequel plie le pouvoir des gouvernements partiellement désarmés et
celui d’États que certains voudraient voir réduits aux seuls
pouvoirs régaliens, afin d’y développer plus largement leur
assise.
Comment envisager l’émancipation de quiconque dans une
telle situation où règne le pouvoir de l’argent à tout (et
n’importe quel) prix ? N’est-ce pas cette condition
d’asservissement, que dénonce Karl Marx dans son ouvrage, à
laquelle on retourne? Et comment appuyer la valeur de la laïcité
sur une telle faiblesse de nos gouvernants à donner un cap à nos
sociétés, qui ne se trouvent plus condamnées qu’à réagir à
l’événement, hors les foyers de résistance à cette
désagrégation sociale aptes à ranimer ici et là les volontés? Et
comment empêcher, dans un tel désarroi, que le pire advienne
désormais ?
Telle sont, parmi les multiples autres, les
questions qui se posent aujourd’hui.
PERMI4
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* Précédent billet concernant Karl Marx, Sur la question juive : Lien
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